Épitome des principes fondamentaux de l’économie politique

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AVERTISSEMENT.


Plusieurs bons esprits, dont j’ai recueilli les avis dans le but de rendre mon ouvrage plus utile, se sont accordés à me dire qu’ils désiraient qu’on pût trouver, réunis et rapprochés, les principes fondamentaux de l’économie politique répandus dans cet ouvrage, de manière que, dégagés de développemens, il fût aisé d’en saisir promptement la liaison et les rapports mutuels.

C’est pour entrer dans leurs vues que j’ai composé cet Épitome.

Les principes s’y trouvent énoncés sous chacun des termes principaux de cette science, rangés par ordre alphabétique. On pourra, dans chaque discussion, dans chaque démonstration, remonter facilement à chacun de ces principes, qui ne sont que l’expression de la nature des choses, la simple exposition de la manière dont les choses sont et se passent, mais le plus souvent abstraits et dénués des preuves, des exemples, des conséquences qui font la solidité et l’utilité de la science, et qui se trouvent dans mon Traité d’Économie politique. On doit supposer que ces propositions ont toutes été prouvées, ou qu’elles sont susceptibles de l’être, et ne se montrent ici réunies et resserrées qu’afin de s’éclaircir l’une par l’autre, afin de laisser mieux saisir leurs relations réciproques. C’est proprement la philosophie de la science ; il faut la posséder, si l’on veut lier avec sûreté chaque principe à tous les autres ; mais, pour l’usage ordinaire, c’est le Traité qu’il faut consulter. Il est plus facile à entendre, parce qu’il rejette toutes les abstractions, ou du moins les fixe le plus promptement qu’il est possible, dans des exemples familiers à tous les lecteurs.

On sent, d’après cela, que cet Épitome n’est point un abrégé élémentaire. On ne peut pas y apprendre l’économie politique ; mais il sera, je crois, fort utile pour opérer le classement de ce qu’on sait, montrer la liaison des vérités qu’on croyait isolées, et mettre à nu les fausses notions qu’on pourrait s’être faites à certains égards. Il n’est pas destiné à être lu de suite, mais à être consulté lorsqu’on est en doute sur quelque point de doctrine, ou lorsqu’on veut en faire quelque application nouvelle.

Il a un autre avantage. C’est qu’il montre indubitablement ce qui peut rester d’incomplet dans l’exposition de la science. L’exposition de chaque principe veut qu’on s’en réfère à plusieurs autres qu’il faut établir ; ceux-ci à d’autres qu’il faut établir encore, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien à expliquer dans les explications. Que l’on soumette à une pareille épreuve la plupart des livres qui, sous le nom d’Élemens, ou de Principes, ou de Cours, ont traité de l’économie politique, et l’on apercevra bien vite si les explications qu’ils donnent, embrassent toutes les parties de la science ; si elles ne se contredisent pas les unes les autres ; si enfin elles ne réclament pas elles-mêmes des explications qu’on ne trouve nulle part dans ces ouvrages, quel que soit le nombre des observations justes qu’on y trouve d’ailleurs.

On regardera peut-être l’ordre alphabétique comme peu favorable à l’enchainement des idées ; mais qu’on prenne la peine de considérer que l’économie politique ne présente pas un phénomène qui ne tienne à tous les autres ; que l’explication de chacun d’entre eux ne peut être bien donnée et complètement comprise, qu’autant qu’on possède déjà l’explication de beaucoup d’autres, et qu’il faudrait, s’il était possible, les étudier tous de front. C’est un tissu qu’il s’agit d’examiner, et non une chaîne qu’on puisse dérouler[1]. L’ordre alphabétique permet du moins, lorsqu’on lit l’exposition d’un principe, de recourir à l’exposition de tout autre au besoin, et d’étudier autant simultanément qu’il est possible.

C’est pour cela qu’on trouvera écrits en italiques, dans les explications, tous les mots qu’on devra chercher dans l’Épitome lui-même, pour peu qu’on ne s’en retrace pas à l’instant, et dans toute son étendue, la signification exacte. Le lecteur dont l’esprit, à la vue du mot italique, s’en retrace la signification tout entière, peut se vanter de savoir l’économie politique ; car, si toute science se réduit à une langue bien faite, quiconque possède la langue, possède la science.

Pascal, Locke, Condillac, Tracy, Laromiguière, ont prouvé que c’est faute d’attacher la même idée aux mêmes mots que les hommes ne s’entendent pas, se disputent, s’égorgent[2] : j’ai cherche a fixer ici, de la manière la plus précise, le sens des termes de l’économie politique, afin qu’on puisse toujours savoir positivement quel fait ou quelle chose un mot représenté ; dès-lors il n’est plus possible de le prononcer au hasard : un même mot ne peut plus être employé pour designer des choses diverses, ou pour présenter des doctrines creuses, des faits imaginaires, vagues, imparfaitement observés.

Les personnes qui aiment à se rendre compte de tout, pourront consulter cet Épitome, non-seulement en lisant le Traité auquel il est joint, mais en lisant tout autre ouvrage sur l’administration, l’histoire, les voyages, la géographie, la politique, les arts industriels, le commerce. J’ose dire qu’elles apprécieront mieux la solidité de leurs bases, la justesse de leurs déductions. On pourra comparer perpétuellement les termes dont chaque auteur se sert, avec leur signification primitive et avec la nature des choses ; on verra sans peine si ces termes sont employés à propos, si les auteurs leur conservent toujours le même sens, si les objets sont envisagés sous toutes leurs faces, si les conséquences qu’on en tire sont justes. Je me flatte que ce petit ouvrage aidera par la même à découvrir et à corriger mes propres erreurs. Si, dans quelque partie que ce soit de mon Traité, un des termes est employé une seule fois avec une signification autre que celle qui lui est assignée ici, c’est une faute.

Pour la commodité des lecteurs qui voudraient étudier de suite et méthodiquement l’Épitome, voici l’ordre dans lequel ils peuvent en lire les articles. On s’apercevra que cet ordre leur présente d’abord les notions relatives à la nature des richesses, puis à leur production, à leur distribution, et finalement à leur consommation.

Il servira également aux professeurs qui prennent ce livre-ci pour base de leur enseignement. Leur cours peut consistera développer, par des raisonnemens et surtout par des exemples, les principes qui ne sont eux-mêmes que la définition des termes : c’est pour eux le moyen le plus assuré d’avoir enseigné, sans lacune, la science. Malheureusement cet ordre, qui est le plus logique, a l’inconvénient de commencer par les vérités les plus abstraites de l’économie politique. C’est ce qui, dans le Traité, m’a déterminé à les prouver, non de prime-abord, mais dans le cours même de la description des phénomènes que présentent la production, la distribution, et la consommation des richesses.


ordre dans lequel il convient de lire l’épitome, si l’on veut le lire méthodiquement.



Principes qui ont rapport à la nature et à la
circulation des Richnesses.


Besoins des hommes.
Propriété.
Richesse.
Valeur des choses.
Valeurs.
Échanges.
Virement de parties.
Quantité demandée.
Quantité offerte.
Prix.
Dépréciation.
Cherté ; Bon marché.
Circulation.
Utilité.
Produit.
Produit immatériel.
Marchandise.
Denrée.
Monnaie, ou Agent de la circulation.
Métaux précieux.
Marché.
Débouchés.


Principes qui ont rapport au phénomène
de la Production.


Production ; Produire.
Reproduction.
Agens de la production.
Facultés productives.
Instrumens de l’industrie.
Services productifs.
Machines.

1er Agent de la production.


Industrie.
Facultés industrielles.
Travail.
Façons productives.

2e Agent de la production.


Capital.
Épargnes.
Accumulation ; Accumuler.

3e Agent de la production.


Terres.
Fonds de terre.


Nota. Les agens naturels, autres que les fonds de terre, se trouvent compris dans le mot Agens de la production.
Procédés de la production.


Agriculture ; Industrie agricole.
Manufactures ; Industrie manufacturière.
Commerce ; Industrie commerciale.
Commerce intérieur.
Commerce extérieur.
Droits d’entrée.
Commerce de transport.
Spéculateur ; Spéculation.
Balance du commerce.
Importation.
Exportation.


Différentes classes de Producteurs.


Producteur.
Industrieux.
Savans. Classe qui multiplie les connaissances humaines.
Entrepreneurs d’industrie. Classes qui appliquent les connaissances humaines à l’usage de l’homme.
Cultivateur.
Fermier.
Manufacturier.
Négociant.
Détailleur.
Ouvrier. Classe qui exécute.
Capitaliste.
Propriétaire foncier.
Source et distribution des Revenus.


Fonds. Frais de production.
Distribution des valeurs.
Profits.
Revenu.
Produit net ; Produit brut.
Salaire.
Prêt.
Emprunt.
Intérêt.
Crédit.
Fermage.
Rente de la terre.


Principes qui ont rapport au phénomène
de la Consommation.


Consommation ; Consommer.
Consommateur.
Fisc.
Impôt.
Contribuable.

Emprunts publics.


ÉPITOME
DES PRINCIPES FONDAMENTAUX
DE
L’ÉCONOMIE POLITIQUE,



rangés alphabétiquement sous chacune des expressions
auxquelles ils peuvent se rattacher.




N. B. Les mots en italiques sont les termes dont l’explication est donnée à leur place alphabétique dans l’Épitome. En les cherchant, quand on ne s’en rappelle pas à l’instant la signification tout entière, on découvre la liaison de toutes les parties de l’Économie politique.


A


Accumulation ; Accumuler. On accumule lorsqu’on ajoute l’une à l’autre plusieurs épargnes pour en former un capital, ou pour augmenter un capital qui existe déjà.

Aussi long-temps que les accumulations ne sont pas employées à la production, ce ne sont encore que des épargnes ; lorsqu’on a commencé à les employer à la production (ou à les placer en des mains qui les emploient), elles deviennent des capitaux, et peuvent procurer les profits qu’on retire d’un capital productif.

Les produits épargnés et accumulés sont nécessairement consommés du moment qu’on les emploie à la production. L’accumulation ne nuit donc point à la consommation ; elle change seulement une consommation improductive en une consommation reproductive.

Quoique les produits immatériels ne paraissent pas susceptibles d’être épargnés, puisqu’ils sont nécessairement consommés en même temps que produits, cependant, comme ils peuvent être consommés reproductivement, comme ils peuvent, au moment de leur consommation, donner naissance à une autre valeur, ils sont susceptibles d’accumulation. La leçon que reçoit un élève en médecine, est un produit immatériel ; mais la consommation qui en est faite, va grossir la capacité de l’élève ; et cette capacité personnelle est un fonds productif, une espèce de capital dont l’élève tirera un profit. La valeur des leçons a donc été accumulée, et transformée en un capital.


Agens de la production. C’est ce qui agit pour produire ; ce sont les industrieux et leurs instrumens ; ou, si l’on veut personnifier l’industrie, c’est l’industrie avec ses instrumens.

De leurs services productifs réunis naissent tous les produits.


Agent de la circulation. Voyez Monnaie : c’est une même chose.


Agriculture, ou Industrie agricole. C’est l’industrie qui provoque la production des matières brutes, ou simplement les recueille des mains de la nature.

Sous ce dernier rapport, cette industrie embrasse des travaux fort étrangers à la culture des champs, comme la chasse, la pêche, le métier du mineur, etc.

Quand un agriculteur façonne ou transforme ses matières premières, comme le paysan lorsqu’il fait ses fromages, il est dans ce moment-là un vrai manufacturier. Lorsqu’il les transporte pour les vendre, il est, jusqu’à ce point-là, négociant.


Agriculteur ou Cultivateur. Voyez ce dernier mot.


B.


Balance du commerce. C’est la comparaison de la valeur des marchandises exportées avec la valeur des marchandises importées, l’argent et l’or exceptés[3].

Dans le système exclusif, on viole par différens moyens la liberté des transactions qui se font entre deux pays, dans le but de vendre le plus et d’acheter le moins possible à l’étranger, préoccupé que l’on est de l’idée qu’il vaut mieux recevoir de l’étranger, pour solde, des matières d’or et d’argent que toute autre marchandise de même valeur.

Qu’on voie à l’article Capital comment les capitaux d’un pays (les capitaux productifs comme les autres) se composent de toutes sortes de marchandises et de denrées, même de celles dont l’existence est la plus fugitive ; et comment la consommation de ces denrées n’altère nullement la valeur du capital national, qui se reproduit par le fait même de cette consommation. Dès-lors on sentira qu’on n’augmente pas plus ses capitaux en important des métaux précieux, qu’en important d’autres marchandises.

Si l’on pouvait avoir une évaluation exacte des valeurs exportées et importées, on saurait à combien se montent les profits d’une nation dans son commerce avec l’étranger : ses profits sont égaux à l’excédant de ses importations sur ses exportations.


Besoins des hommes. Ce sont eux qui déterminent les hommes au sacrifice nécessaire pour obtenir les produits capables de satisfaire ces besoins. Le sacrifice consiste soit à prendre la peine de créer soi-même les produits, soit à donner en échange pour les avoir, d’autres produits précédemment acquis.

Les besoins des hommes ont différens degrés d’intensité, depuis les besoins impérieux de la satisfaction desquels dépend leur existence, jusqu’aux goûts les plus légers.

Une jouissance quelconque est attachée à la satisfaction de chacun de nos besoins ; d’où il suit que les expressions : pourvoir à nos besoins, multiplier nos jouissances, et même contenter nos goûts, présentent des idées du même genre et qui ne diffèrent entre elles que par des nuances.

Les hommes ont des besoins comme individus, comme membres de la famille, comme membres de l’état. Ceux des deux premiers genres donnent lieu aux consommations privées ; ceux du dernier genre donnent lieu aux consommations publiques.

C.


Capital. Somme de valeurs employées à faire des avances à la production. Ces valeurs, qui sont originairement le fruit de l’industrie aidée de ses instrumens, ne se perpétuent et ne forment un fonds productif permanent qu’autant qu’elles sont consommées reproductivement. Du moment que, soit par l’amour des jouissances présentes, soit par l’impéritie de l’entrepreneur qui les emploie, elles ne renaissent pas dans d’autres produits, le capital est dissipé, en tout ou en partie.

Tout capital transmissible est composé de produits matériels ; car rien ne peut passer d’une main dans une autre, sinon des matières visibles. Un crédit ouvert, des effets de commerce, ne sont que des signes des valeurs matérielles actuellement possédées par celui qui les cède, pour un temps ou pour toujours, à celui qui les accepte.

L’homme qui dispose d’un capital, soit qu’il lui appartienne, soit qu’il l’ait emprunté, le transforme, par des échanges, en objets propres à la consommation. Quand il est transformé en améliorations à un fonds de terre, en bâtimens, en machines durables, on l’appelle un capital engagé ; quand il est employé à acheter des matières premières et des travaux, on l’appelle un capital circulant. La reproduction n’est pas complète lorsque les valeurs capitales engagées ne sont pas entretenues de manière à conserver leur valeur vénale entière, et lorsque la valeur des produits obtenus ne rembourse pas les avances faites au moyen du capital circulant.

Cette fonction du capital peut se nommer le service productif du capital. Lorsqu’un capitaliste ne veut pas lui-même faire valoir son capital, il le prête à un entrepreneur d’industrie, et en tire un loyer, qu’on nomme un intérêt[4]. Il vend ainsi le service qu’est capable de rendre son capital, de même que le propriétaire d’un fonds de terre vend, en le louant, le service que cet agent productif est capable de rendre ; de même qu’un ouvrier vend son temps et son travail pour un salaire.

Un capital peut ne pas être employé à la reproduction, sans pour cela être un capital improductif. Les valeurs qu’on a sous forme de maisons, de meubles et d’autres choses qui servent aux besoins de la vie, sont un capital productif d’utilité ou d’agrément, c’est-à-dire, de produits immatériels. Ce capital produit alors un revenu qui est consommé à mesure : à savoir l’utilité ou l’agrément qui résultent de son usage.


Capitaliste. Est celui qui possède un capital et qui en retire un profit quand il le fait valoir par lui-même, ou un intérêt quand il le prête à un entrepreneur d’industrie qui le fait valoir, et dès-lors, en consomme le service et en retire les profits.


Cherté ; bon marché. La cherté est la haute valeur, le bon marché la basse valeur des choses. Mais comme la valeur des choses est relative, et qu’elle n’est haute ou basse que par comparaison, il n’y a de cherté réelle que celle qui provient des frais de production. Une chose réellement chère est celle qui coûte beaucoup de frais de production, qui exige la consommation de beaucoup de services productifs. Il faut entendre le contraire d’une chose qui est à bon marché.

Ce principe ruine la fausse maxime : quand tout est cher, rien n’est cher ; car pour créer quelque produit que ce soit, il peut falloir, dans un certain ordre de choses, faire plus de frais de production que dans un autre ordre. C’est le cas où se trouve une société peu avancée dans les arts industriels, ou surchargée d’impôts. Les impôts sont des frais qui n’ajoutent rien au mérite des produits. Les progrès dans les arts industriels sont, soit un plus grand degré d’utilité obtenu poulies mêmes frais, soit un même degré d’utilité obtenu à moins de frais[5].


Circulation. C’est le mouvement des monnaies ou des marchandises lorsqu’elles passent d’une main dans une autre. La circulation n’ajoutant rien à la valeur des choses, n’est point par elle-même productive de richesses ; mais quand elle est active, quand les produits passent promptement d’un producteur à un autre jusqu’au moment où ils ont acquis leur entière valeur, et lorsqu’ils passent promptement de leur dernier producteur à leur premier consommateur, la production est plus rapide.

Toute marchandise ou denrée qui est offerte pour être vendue, est dans la circulation ; elle n’y est plus lorsqu’elle est entre les mains de celui qui l’acquiert pour la consommer. Des immeubles, des services productifs, peuvent être dans la circulation lorsqu’ils sont à vendre ; ils n’y sont plus quand ils cessent de pouvoir être acquis. La monnaie est une marchandise qui est toujours dans la circulation, parce qu’elle n’est jamais acquise pour être consommée, mais bien pour être échangée de nouveau.

Voyez Quantité offerte, quantité demandée.


Commerçant, ou Négociant. Voyez ce mot.


Commerce, ou Industrie commerciale. C’est l’industrie qui met un produit à portée du consommateur ; le produit acquiert par là un avantage qu’il ne possédait pas et qui ajoute à sa valeur. Cette valeur additionnelle est ce qui constitue la production commerciale. Les hommes qui concourent par entreprise à cette espèce de production, comme les banquiers, commissionnaires, courtiers, etc., sont commerçans ou négocians.


Commerce De Spéculation. Voyez Spéculateur.


Commerce De Transport. Ce commerce consiste à faire acheter des marchandises dans l’étranger, pour les faire revendre dans l’étranger aussi.

D’autres personnes entendent par commerce de transport, l’industrie de l’armateur qui voiture sur ses navires, moyennant un fret, des marchandises qui ne sont pas à lui. Mais cette industrie, quand l’armateur n’achète et ne vend pas, analogue à celle des rouliers sur terre, mérite à peine le nom de commerce ; c’est le. loyer d’un navire, d’un instrument.


Commerce Extérieur. C’est l’industrie qui consiste à acheter des marchandises produites dans l’intérieur pour les envoyer et les faire vendre dans l’étranger ; ou bien à acheter des marchandises dans l’étranger pour les revendre dans l’intérieur. Ordinairement on fait de suite ces deux opérations ; c’est-à-dire, qu’on fait revenir en marchandises du dehors, la valeur des marchandises indigènes qu’on a envoyées. On appelle cela faire des envois et recevoir des retours.


Commerce intérieur. C’est l’industrie qui consiste à acheter des marchandises au pays pour les revendre dans un autre lieu du même pays, ou bien à les acheter en gros pour les revendre en détail. C’est de beaucoup le plus important des commerces, même chez les peuples qui ont le commerce extérieur le plus vaste[6].

Consommateur. C’est celui qui détruit la valeur d’un produit, soit pour en produire un autre, soit pour satisfaire ses goûts ou ses besoins. Tout le monde est consommateur, parce que nul ne peut vivre sans consommer ; par consequent, l’intérêt du consommateur est l’intérêt général.

Quand les objets de consommation sont à meilleur marché, ce que le consommateur épargne sur leur prix, peut être appliqué à un autre objet ; il peut satisfaire plus de besoins ; il est plus riche, ou, si l’on veut, moins pauvre. Il est plus pauvre ou moins riche relativement à un objet de sa consommation, lorsque cet objet renchérit.

Un peuple tout entier devient plus riche par rapport à un.objet de consommation, quand cet objet peut être acquis à moins de frais, et vice versa. L’objet est acquis à moins de frais, lorsque l’industrie, dans ses progrès, parvient à tirer plus de produits des mêmes moyens de production.

Voyez les mots Revenu, Richesse.


Consommation ; Consommer. Consommer, c’est détruire la valeur d’une chose, ou une portion de cette valeur, en détruisant l’utilité qu’elle avait, ou seulement une portion de cette utilité[7].

On ne saurait consommer une valeur qui ne saurait être détruite. Ainsi l’on peut consommer le service d’une industrie, et non pas la faculté industrielle qui a rendu

ce service ; le service d’un terrain, mais non le terrain lui-même[8].

Une valeur ne peut être consommée deux fois ; car dire qu’elle est consommée, c’est dire qu’elle n’existe plus.

Tout ce qui se produit se consomme ; par conséquent toute valeur créée est détruite, et n’a été créée que pour être détruite. Comment dès-lors se font les accumulations de valeurs dont se composent les capitaux ? Elles se font par la reproduction sous une autre forme, de la valeur consommée ; tellement que la valeur capitale se perpétue en changeant de forme.

Il y a donc deux sortes de consommations :

1o La consommation reproductive, qui détruit une valeur, pour la remplacer par une autre ;

2o La consommation improductive, qui détruit la valeur consommée, sans remplacement.

La première est une destruction de valeurs d’où il résulte d’autres valeurs inférieures, égales, ou supérieures à la valeur détruite.

Quand elles sont inférieures, la consommation n’est reproductive que jusqu’à concurrence de la valeur reproduite.

La valeur détruite comprend la valeur des services productifs qu’on a consommés pour produire.

La consommation improductive est une destruction de valeurs qui n’a d’autre résultat que la jouissance qu’elle procure au consommateur.

Lorsqu’on se sert du mot de consommation sans rien spécifier, on entend communément celle qui est improductive.

Un capital, n’étant qu’une accumulation de valeurs produites, peut être consommé en entier, productivement ou non. Un capital productif est même nécessairement consommé, car il ne peut servir à la production que par l’usage qu’on fait de lui.

De même que l’on peut considérer la production comme un échange où l’on donne des services productifs pour recevoir des produits, on peut considérer la consommation comme un autre échange où l’on donne des produits pour recevoir en retour d’autres produits, si la consommation est reproductive, ou bien des jouissances, si la consommation est improductive. On éprouve une perte, dans le premier cas, quand le produit créé ne vaut pas le produit consommé[9] ; dans le second cas, quand la jouissance n’est pas un dédommagement suffisant du sacrifice que l’on a fait pour l’obtenir.

La consommation annuelle d’une famille, d’une nation, est la somme des valeurs qu’elles ont consommées dans le courant d’une année. Elle n’a rien de commun avec la somme de leurs capitaux, et l’excède toujours de beaucoup, parce qu’elle embrasse, outre la consommation improductive des revenus, la consommation reproductive des capitaux, souvent répétée plusieurs fois dans la même année. Quelques valeurs capitales, il est vrai, ne sont pas entièrement consommées dans l’espace d’une année, comme les bâtimens, les instrumens durables ; mais la plus grande partie des capitaux se consomme et se reproduit plusieurs fois pendant le même espace de temps[10].

Les consommations publiques sont celles qui sont faites par le public, ou pour le service du public.

Les consommations privées sont celles qui sont faites par les particuliers ou par les familles.

Les unes et les autres sont absolument de même nature. Elles ne peuvent avoir d’autre but qu’une reproduction de valeurs, ou bien une jouissance pour le consommateur. Sauf ces deux résultats, toute consommation est un mal contraire au bien qui résulte d’une production : celle-ci est la création d’un moyen de bonheur ; la consommation est la destruction d’un moyen de bonheur.

Il faut comprendre dans la consommation d’une nation, la totalité des valeurs qu’elle consomme, productivement[11] ou non, et par conséquent les valeurs qu’elle envoie à l’étranger ; et dans ses productions, les valeurs qu’elle en reçoit ; de même qu’on comprend dans ses consommations la valeur de la laine qu’elle emploie à faire du drap, et dans ses productions, la valeur totale des draps qui en résultent.


Contribuable. C’est le sujet de l’état considéré comme payant, sous une forme ou sous une autre, une portion quelconque des contributions publiques, ou de l’impôt.


Contributions publiques. Voyez Impôt.


Crédit. Le crédit est la faculté qu’un homme, une association, une nation, ont de trouver des prêteurs.

Il se fonde sur la persuasion où sont les prêteurs, que les valeurs qu’ils prêtent leur seront rendues, et que les conditions du marché seront fidèlement exécutées.

Le crédit ne multiplie pas les capitaux ; c’est-à-dire, que si la personne qui emprunte pour employer productivement la valeur empruntée, acquiert par là l’usage d’un capital, d’un autre côté la personne qui prête se prive de l’usage de ce même capital. Mais le crédit en général est bon en ce qu’il facilite l’emploi de tous les capitaux, et les fait sortir des mains où ils chôment pour passer dans celles qui les font fructifier. Cela est vrai surtout du crédit des particuliers qui attire les capitaux vers l’industrie où ils se perpétuent, tandis qu’ils sont ordinairement anéantis quand ils sont prêtés à l’état. Il y a plus de confiance, plus de disposition à prêter, là où les entreprises industrielles ont plus de chances de succès. Le déclin de l’industrie entraîne le déclin du crédit.


Cultivateur. Entrepreneur de l’industrie qui fait valoir un fonds de terre. Lorsqu’il n’est pas propriétaire du fonds, l’entrepreneur est un fermier.


D.


Débouchés. Ce sont les moyens d’écoulement, les moyens d’échange, les moyens de vente pour un produit.

Un acheteur ne se présente d’une manière effective qu’autant qu’il a de l’argent pour acheter ; et il ne peut avoir de l’argent qu’au moyen des produits qu’il a créés, ou qu’on a créés pour lui ; d’où il suit que c’est la production qui favorise les débouchés.

Il faut prendre garde que la production n’est réelle qu’autant que la valeur des produits est égale pour le moins aux frais qu’ils ont occasionés ; et que pour que les produits vaillent leurs frais, il faut que le consommateur en sente assez le besoin pour y mettre le prix. Quand le consommateur n’éprouve pas ce besoin, il ne prend la peine de produire ni pour consommer immédiatement ses produits, ni pour les employer à en acheter d’autres ; et c’est encore le défaut de sa production qui prive de débouchés les produits qu’on lui offre.

Le défaut de production, et par suite de débouchés, vient quelquefois de ce que la production est rendue trop chère par des impôts excessifs ou une industrie imparfaite ; quelquefois il vient d’une force majeure qu’il est impossible de surmonter. Quand les récoltes manquent, les produits des manufactures ne se vendent pas bien, parce qu’une partie du produit des manufactures est acheté avec le produit des récoltes.


Denrée. Marchandise mise en vente, non pour être revendue, mais pour être consommée, soit qu’elle soit destinée à la subsistance ou à tout autre genre de consommation.

Tant qu’elle est achetée pour être revendue, elle conserve le nom de marchandise.


Dépréciation. Déclin dans le prix d’une marchandise, quelle qu’en soit la cause. La monnaie est dépréciée quand il en faut donner davantage pour obtenir tout autre produit, quand les autres produits, payés en monnaie, sont plus chers.


Détailleur. Commerçant qui achète la marchandise du marchand en gros ou en demi-gros, pour la revendre au consommateur. Il donne une façon productive en accommodant une denrée aux besoins et à la commodité du consommateur.


Distribution (des valeurs créées, ou, si l’on veut, de la valeur des produits). Elle s’opère par l’achat que fait un entrepreneur d’industrie, des services productifs de ses co-producteurs, ou d’un produit qui n’a pas encore reçu toutes les façons qu’il doit recevoir. Cet achat est une avance dont le dernier entrepreneur (qui est communément un marchand en détail), est remboursé par le consommateur.

Les valeurs, ainsi distribuées, vont former les revenus des particuliers, dont l’ensemble compose le revenu total de la société.


Droits d’entrée. Ils établissent un monopole en faveur du producteur indigène qui n’en profite pas, et qui est payé par le consommateur indigène, en ce que celui-ci paie les marchandises taxées au-dessus du prix où il pourrait les avoir.

lorsque les droits d’entrée sont modérés, ils équivalent aux impôts payés par les producteurs des produits indigènes, et rétablissent une égalité de désavantages entre ceux-ci et les produits étrangers.


E.


Échanges. Les échanges, en économie politique, ne sont pas une fin, mais un moyen. La marche essentielle des valeurs est d’être produites, distribuées et consommées. Si chacun créait tous les produits dont il a besoin, et les consommait, il n’y aurait point d’échanges proprement dits. Ce qui les rend indispensables, c’est que tout le monde ayant besoin, pour sa consommation, de beaucoup de produits différens, et ne s’occupant à en créer qu’un petit nombre, quelquefois un seul (comme fait un fabricant d’étoffes), quelquefois même une portion d’un produit (comme fait un teinturier), chaque producteur est obligé de se défaire par l’échange (par la vente) de ce qu’il fait de trop dans un genre, et de se procurer par l’échange (par l’achat) ce qu’il ne fait pas.

La monnaie ne sert que d’intermédiaire : elle n’est point un résultat ; car on ne l’acquiert, ni pour la garder, ni pour la consommer. Dans la réalité, on échange le produit qu’on vend contre le produit qu’on achète ; la vente et l’achat terminés, la monnaie n’est pas restée : elle est allée prêter son ministère à d’autres contractans.

L’échange fait de gré à gré indique dans le temps, dans le lieu, dans l’état de société où l’on se trouve, la valeur que les hommes attachent aux choses possédées ; et c’est la seule manière d’apprécier le montant des richesses qui sont l’objet des recherches de l’économie politique. C’est d’après ce motif que beaucoup de personnes ont regardé les échanges comme le fondement de la valeur et de la richesse, ce qui n’est plus. Ils fournissent seulement le moyen d’apprécier les valeurs et les richesses, en les comparant à d’autres valeurs, et surtout en réduisant des richesses diverses à une expression commune, à une certaine quantité d’un certain produit, comme serait un nombre quelconque d’écus.

On a toujours la possibilité d’échanger deux produits d’égale valeur ; car ils ne seraient pas exactement d’une valeur égale, si l’on ne pouvait à volonté les échanger l’un contre l’autre. C’est ce qui fait qu’une valeur sous une certaine forme (en or ou argent) n’a rien de plus précieux, de plus utile, de plus désirable qu’une valeur égale sous une autre forme. C’est encore ce qui permet de considérer la production en général, en fesant abstraction de la nature des produits, de dire, par exemple, que la population s’élève naturellement au niveau de la production, quels que soient les produits.

L’estimation de la valeur produite se fait en réduisant toutes les valeurs diverses à celle d’un même produit ; en disant, par exemple : toutes les valeurs produites en France dans l’espace d’une année, égalent la valeur qu’auraient 500 millions d’hectolitres de blé, ou bien 2 milliards de pièces de cinq francs, plus ou moins, au cours du jour.

L’échange qui se fait de deux valeurs égales n’augmente ni ne diminue la somme des valeurs (des richesses) existantes dans la société. L’échange de deux valeurs inégales (c’est-à-dire l’échange où l’un des échangistes dupe l’autre) ne change rien non plus à la somme des valeurs sociales, bien qu’il ajoute à la fortune de l’un ce qu’il ôte à la fortune de l’autre. Les deux objets échangés n’en ont ni plus ni moins de valeur qu’auparavant. L’échange de deux produits, ou de deux fonds productifs, sous quelque rapport qu’on le considère, n’est donc point une production.

Lors même qu’on dit : La production est un échange dans lequel on donne les services productifs ou leur valeur, pour recevoir les produits ou leur valeur, ce n’est pas à dire que ce soit l’échange même qui produise. Les fonds productifs (industrie, terrains, capitaux) sont susceptibles de produire un service d’où résulte un produit utile ; et c’est ce service que (à mesure qu’il est créé) on échange contre un produit. La véritable création est celle du service productif qui a une valeur ; le reste n’est plus qu’un échange de valeurs. Je ne fais, au reste, cette observation, purement métaphysique, que pour prévenir le reproche d’une contradiction qui ne serait que dans les termes.


Emprunt. C’est l’acte par lequel le prêteur cède à l’emprunteur l’usage d’une valeur. L’emprunt suppose la restitution ultérieure de la valeur empruntée, soit en une seule fois, soit au bout de certains termes, comme dans l’emprunt viager.

La chose empruntée est la valeur et n’est pas la marchandise, n’est pas l’argent, par exemple, sous la forme duquel cette valeur se trouvait au moment de l’emprunt. Ce n’est pas en conséquence l’abondance de l’argent qui rend les emprunts faciles ; c’est l’abondance de valeurs disposées à être prêtées, des valeurs en circulation pour cet objet-là. Voyez Accumulation, Capital.


Emprunts Publics. Ce sont les valeurs empruntées par un gouvernement au nom de la société qu’il représente.

Les valeurs ainsi empruntées sont des capitaux, fruits des accumulations des particuliers. Lorsque le montant des emprunts est employé, comme c’est l’ordinaire, à des consommations improductives, ils sont un moyen de détruire des capitaux, et par conséquent de supprimer, pour la nation en bloc, les revenus annuels de ces capitaux[12].


Entrepreneurs d’industrie. Ils concourent à la production en appliquant les connaissances acquises, le service des capitaux et celui des agens naturels, à la confection des produits auxquels les hommes attachent une valeur.

Un entrepreneur d’industrie agricole est cultivateur lorsque la terre lui appartient ; fermier lorsqu’il la loue.

Un entrepreneur d’industrie manufacturière est un manufacturier.

Un entrepreneur d’industrie commerciale est un négociant.

Ils ne sont capitalistes que lorsque le capital, ou une portion du capital dont ils se servent, leur appartient en propre ; ils sont alors à la fois capitalistes et entrepreneurs.

Ce qui fait la difficulté de la tâche de l’entrepreneur, c’est de créer des produits qui vaillent autant ou plus que leurs frais de production. Du moment qu’ils valent autant, la production est avantageuse ; elle paie tous les services productifs, et par conséquent tous les profits, les revenus des producteurs.

Si les produits valent plus que les frais de production, c’est un surcroît de profit pour l’entrepreneur, surcroît qui lui est ordinairement enlevé par la concurrence.


Épargnes. Ce sont les portions de profits que l’on ne consacre pas à la consommation improductive, que l’on met en réserve pour ajouter à ses capitaux. C’est l’accumulation des épargnes qui forme les capitaux.


Exportation. C’est l’action de faire transporter des marchandises dans l’étranger.

L’exportation des monnaies, ou des matières d’or et d’argent ? n’a rien de plus fâcheux que celle de tout autre produit ; car,

Sous le rapport des valeurs, la valeur des métaux précieux ne vaut pas plus qu’une égale valeur en toute autre marchandise.

Sous le rapport de la production, les métaux précieux n’y servent pas plus que toutes les autres valeurs dont se compose le capital productif, et même peuvent être plus aisément suppléés que bien d’autres choses.

Sous le rapport de l’usage, ou de la consommation improductive, ils sont beaucoup moins nécessaires, et plus facilement suppléés que d’autres produits, tels que les alimens, les vêtemens.

L’exportation des métaux précieux favorise l’industrie et la production intérieure, autant que l’exportation de toute autre marchandise, parce que pour exporter l’or et l’argent il faut les acquérir, et pour les acquérir il faut envoyer au dehors un produit indigène.

L’exportation des monnaies frappées dans l’intérieur, est un commerce avantageux, si la façon des monnaies est payée par le consommateur de cet article d’orfèvrerie.


F.


Façons productives. Modifications opérées par l’industrie pour créer ou accroître l’utilité d’une chose, et par là sa valeur.

Toutes les fois qu’une façon ne contribue pas à créer, ou bien à augmenter la valeur d’un produit, elle n’est pas productive.


Facultés industrielles. Talens ou aptitude de l’homme au travail industriel, desquels il résulte un profit ou revenu, dont les facultés industrielles peuvent être considérées comme le fonds.


Facultés productives. Il faut entendre par ce mot l’aptitude qu’ont les industrieux, les capitaux et les agens naturels, à coopérer à la production en donnant aux choses de l’utilité.

On peut et l’on doit dire non-seulement les facultés productives de l’homme, mais les facultés productives des capitaux et des terres.

Fermage. Le fermage est le loyer d’un fonds de terre prêté, ou bien, en termes plus exacts, le prix de l’achat qu’un fermier fait des services productifs d’un fonds de terre pour un temps et à un prix convenu.

Le fermier (en mettant hors de la question les profits de son industrie et ceux de son capital) gagne ou perd sur le fermage, selon que le fonds de terre obtient, pour sa part dans la production, un profit supérieur ou inférieur au fermage.

L’offre des terres à donner à loyer en chaque contrée, est nécessairement bornée, tandis que la demande ne l’est pas nécessairement ; de là naît une concurrence plus grande de la part des fermiers pour prendre des terres à bail, que de celle des propriétaires fonciers pour en donner. Aussi, quand il n’y a pas de raison prépondérante contraire, le taux des fermages se fixe plutôt au-dessus qu’au-dessous du profit réel du fonds de terre.


Fermier. Locataire d’un fonds de terre. Le propriétaire lui cède, moyennant un fermage, le droit de retirer les profits du fonds.

Le fermier fait un marché à forfait sur lequel il gagne si les profits du fonds excèdent le fermage, et où il perd dans le cas contraire.


Fisc. C’est le nom que prend le trésor public, lorsqu’il exerce son action contre le contribuable.


Fonds ; fonds productifs. On peut les distinguer : En fonds industriels, ou fonds de facultés industrielles ; et

En fonds d’instrumens de l’industrie.

Les fonds industriels se composent des facultés industrielles des savans, ou dépositaires des connaissances utiles ; de celles des entrepreneurs d’industrie (cultivateurs, manufacturiers, ou commerçans) ; de celles des ouvriers et autres agens des entrepreneurs.

Les fonds d’instrumens de l’industrie se divisent en instrumens appropriés et en instrumens non appropriés.

Des fonds naissent les services productifs. Ces services, ou le prix qu’on en tire, sont le revenu du fonds ; c’est-à-dire du propriétaire du fonds.

Quand ce service est consommé pour la satisfaction du consommateur, comme dans le cas où l’on consomme le service d’une maison d’habitation en l’habitant, il est simplement productif d’utilité ou d’agrément. Lorsqu’il est consommé pour produire une valeur nouvelle, c’est un service productif proprement dit. Il tire sa valeur de l’un ou l’autre de ces usages ; et cette valeur s’établit en raison directe de la demande qu’on fait des services, et en raison inverse de la quantité qui en est offerte.

La fortune de chaque homme se compose de la valeur des fonds qui sont en sa possession, et qui, s’ils n’ont pas une valeur échangeable, peuvent du moins s’évaluer par le revenu qu’on en tire[13].


Fonds de terre. Le fonds de terre est, à proprement parler, le sol qui travaille à la production, de concert, avec l’industrie humaine et avec un capital.

Mais la force productive de la nature se manifestant autrement que dans la végétation, on a quelquefois été contraint d’étendre la signification de cette expression jusqu’à désigner la force productive de la nature en général, telle que l’action du soleil sur la végétation, celle de l’eau comme produisant spontanément des poissons, ou bien comme moteur, ou simplement comme véhicule. Il serait plus raisonnable d’appeler fonds naturel l’ensemble des instrumens naturels dont l’action rend cette espèce de services productifs. Ce nom serait en opposition avec ceux de fonds de facultés industrielles et de fonds capital, qui agissent conjointement avec lui. (Voyez Richesse.)

Entre tous les fonds naturels, les terres s’étant trouvées susceptibles de devenir des propriétés, ceux qui s’en sont emparés n’ont pas cédé gratuitement leur service productif. C’est la vente de ce service productif qui forme le revenu du propriétaire foncier.

Quelques publicistes soutiennent qu’il n’y a point de revenu foncier ; que la rétribution que le propriétaire reçoit comme revenu foncier n’est que l’intérêt du capital employé à défricher la terre, et à la garnir de moyens d’exploitation. Cela se trouve vrai dans quelques cas, mais ne l’est pas dans les lieux où une terre absolument inculte a néanmoins une valeur vénale ou locative, puisque le prix de cette terre est une avance qu’il faut joindre aux avances qu’exige son exploitation, pour parvenir à en tirer quelques produits.

Au surplus, cette discussion n’influe en rien sur la solidité des principes. Si le service de la terre ne coûte rien, c’est un présent que la nature fait aux consommateurs de ses produits, comme elle leur fait présent de l’action des rayons solaires et de beaucoup d’autres instrumens naturels ; si le service de la terre coûte, c’est un présent fait par la nature au propriétaire ; présent consacré par la législation de tous les peuples policés, et très-favorable à la production en général.

Il y a des fonds de terre qui ne donnent point de produits ruraux, mais qui sont productifs d’utilité et d’agrément ; c’est-à-dire d’un produit immatériel qui n’est pas susceptible d’épargne ni d’accumulation.


Frais de production. C’est la valeur échangeable des services productifs nécessaires pour qu’un produit ait l’existence.

Toutes les fois qu’il y a des frais faits et point d’utilité produite, ces frais ne sont pas des frais de production ; ce sont tout simplement des frais inutiles, dont la perte est supportée, soit par le producteur, soit par le consommateur du produit pour lequel ils ont été faits : par le producteur, quand ils n’élèvent pas la valeur du produit ; par le consommateur quand ils élèvent cette valeur.

Lorsque, par des causes accidentelles, telles que l’intervention importune de l’autorité, les frais de production montent au-dessus du taux auquel la libre concurrence les porterait, il y a spoliation du consommateur, en faveur soit du producteur, soit du gouvernement, en faveur de ceux en un mot qui profitent de cet excédant de prix. Lorsque le consommateur se prévaut de son côté des circonstances, pour payer l’utilité dont il fait usage, au-dessous du prix où la libre concurrence la porterait naturellement, c’est alors lui qui commet une spoliation aux dépens du producteur.

La production pouvant être considérée comme un échange où l’on donne les services productifs (dont les frais de production ne sont que l’évaluation) pour recevoir l’utilité produite, il en résulte que plus l’utilité produite est considérable par rapport aux services productifs, et plus l’échange est avantageux.

Un meilleur emploi des instrumens naturels procure plus d’utilité produite, relativement aux frais de production, et rend par conséquent plus avantageux l’échange où l’homme reçoit des produits contre des frais de production[14].

Les fléaux naturels, comme la grêle, la gelée ; et les fléaux humains, tels que la guerre, les déprédations, les impôts, en augmentant les frais de production, rendent l’échange moins avantageux. Les produits coûtent davantage, sans que les revenus soient plus grands ; car alors l’augmentation des frais de production ne va pas au producteur.

Les frais de production d’un produit peuvent aller au-delà de la valeur que, dans l’état actuel de la société, on peut mettre à ce produit. La chose alors n’est point produite : le producteur y perdrait.

Cette supposition peut successivement s’étendre à tous les produits ; la production tout entière peut devenir si désavantageuse, qu’elle cesse, d’abord en partie, ensuite tout-à-fait[15].


I.


Importation. C’est l’action par laquelle on fait venir des marchandises d’un pays étranger dans le sien.

Les marchandises importées sont ordinairement payées à l’étranger par le moyen d’autres marchandises qu’on lui envoie, au nombre desquelles se trouvent quelquefois les métaux précieux. Cette dernière manière de s’acquitter envers l’étranger n’a rien de plus fâcheux que toute autre. (Voyez les mots Capital, Balance du commerce, Exportation.)


Impôt. L’impôt est une valeur délivrée au gouvernement par les particuliers, pour subvenir aux dépenses publiques. Il se mesure sur le sacrifice exigé du contribuable, et non sur la somme que reçoit le gouvernement ; tellement que les frais de recouvrement, le temps perdu par le contribuable, les services personnels qu’on exige de lui, etc., font partie des impôts.

La valeur, sous quelque forme qu’elle soit, qui est sacrifiée par le contribuable pour l’acquittement de l’impôt, n’est point reversée dans la société. Elle est consommée pour satisfaire les besoins du public, et par conséquent détruite. (Voyez le mot Consommation.) L’achat que fait le gouvernement des denrées ou des services qu’il juge à propos de consommer, n’est point une restitution, mais un échange dans lequel les vendeurs donnent en produits une valeur égale à celle qu’on leur paie en argent.

La société n’est donc indemnisée du sacrifice que lui coûte l’impôt, que par la sûreté, par les jouissances quelconques qu’il procure à la société. Si ces jouissances peuvent être obtenues à meilleur compte, elle fait un marché onéreux[16].

Le sacrifice résultant de l’impôt ne tombe pas constamment et complètement sur celui par qui la contribution est payée. Lorsqu’il est producteur et qu’il peut, en vertu de l’impôt, élever le prix de ses produits, cette augmentation de prix est une portion de l’impôt, qui tombe sur le consommateur des produits qui ont renchéri.

L’augmentation de prix ou de valeur que les produits subissent en vertu de l’impôt, n’augmentent en rien le revenu des producteurs de ces produits ; et ils équivalent à une diminution dans le revenu de leurs consommateurs.

(Voyez Frais de production ; voyez, au mot Revenu, comment la cherté des produits équivaut à une diminution de revenu. )


Industrie. L’industrie est l’action des forces physiques et morales de l’homme appliquées à la production[17].

On la nomme :

Industrie agricole, quand elle s’applique principalement à provoquer l’action productive de la nature, ou à recueillir ses produits ;

Industrie manufacturière, quand c’est en transformant les choses qu’elle leur crée de la valeur ;

Industrie commerciale, quand elle leur crée de la valeur, en les mettant à portée du consommateur.

Toutes les industries se résolvent à prendre une chose dans un état, et à la rendre dans un autre état où elle a plus de valeur. (En considérant le lieu où se trouve la chose, comme fesant partie de son état, de ses propriétés. )

Dans tous les cas, l’industrie ne peut s’exercer sans un capital ; car elle ne peut s’exercer à moins que ce ne soit sur quelque chose, et par le moyen de quelque chose.

Il y a une industrie qui n’est productive que de produits immatériels, de produits nécessairement consommés en même temps que produits. Telle est celle d’un médecin, d’un fonctionnaire public, d’un acteur.

L’action des facultés humaines, ou l’industrie, quel que soit l’objet auquel elle s’applique, suppose trois opérations :

1o La connaissance des lois de la nature : c’est le fruit des occupations du savant ;

2o L’application de cette connaissance, dans le but de créer de l’utilité dans une chose : c’est l’industrie de l’entrepreneur ;

3o L’exécution, ou la main-d’œuvre : c’est le travail de l’ouvrier.


Industrieux[18]. Ce mot, pris substantivement, veut dire celui ou ceux qui travaillent à la production des valeurs ; c’est-à-dire à la création des richesses.

L’industrieux est ici considéré comme un des moyens de production, et indépendamment des capitaux et des instrumens naturels qui sont ses outils.

L’industrieux qui s’applique à la connaissance des lois de la nature, est le savant. Celui qui s’occupe de leur application aux besoins de l’homme, est un agriculteur, un manufacturier ou un négociant. L’industrieux qui travaille manuellement, guidé par les lumières et le jugement des autres, est un ouvrier.

Instrumens de l’industrie. Ils sont ou non des propriétés.

Les instrumens appropriés sont, ou des instrumens naturels, comme les terres cultivables, les mines, les cours d’eau, etc., qui sont devenus des propriétés ; ou bien ce sont des capitaux.

Les instrumens non appropriés, sont des matières ou des forces résultantes des lois de la nature, qui se trouvent être à la disposition de quiconque veut s’en servir, et qui, entre les mains de l’industrie, concourent à la formation des produits. Tels sont la mer qui porte nos navires, le vent qui les pousse, l’élasticité de l’air, la chaleur du soleil, beaucoup de lois du monde physique, parmi lesquelles on peut citer la gravitation qui fait descendre les poids d’une horloge, la chaleur qui se dégage par la combustion, le magnétisme qui dirige l’aiguille d’une boussole, etc.

Les instrumens appropriés ne livrent pas gratuitement leur concours ; il faut le payer à leurs propriétaires sous le nom de loyer des terres, intérêt des capitaux.

Les instrumens non appropriés, au contraire, livrant gratuitement leur concours, la portion de production qui leur est due est un profit pour les nations, profit qui tourne à l’avantage des producteurs lorsqu’ils réussissent à faire payer une utilité qui ne leur coûte rien, et à l’avantage des consommateurs lorsque la concurrence oblige les producteurs à ne pas faire payer cette utilité[19].

Il résulte de là que les plus grands progrès de l’industrie consistent dans l’art d’employer les instrumens naturels dont il ne faut pas payer le concours.

Si les instrumens naturels appropries, comme les terres, n’étaient pas devenus des propriétés, on serait tenté de croire que les produits seraient moins chers, puisqu’on n’aurait pas besoin de payer le loyer de ces instrumens à leur propriétaire. On se trompe. Personne ne voudrait faire les avances nécessaires pour les mettre en valeur, dans la crainte de ne pas rentrer dans ses avances ; ils ne concourraient à aucun produit, et les produits pour lesquels leur concours est nécessaire, n’existeraient pas ; ce qui équivaudrait à une cherté infinie, car rien n’est plus cher que ce que l’on ne peut avoir pour aucun prix.

Les facultés industrielles sont des instrumens appropriés qui sont en partie donnés gratuitement par la nature, comme la force et les talens naturels, et qui sont en partie un capital, comme la force et les talens acquis.


Intérêt[20]. Loyer d’un capital prêté ; ou bien, en termes plus exacts, achat des services productifs que peut rendre un capital.

Le capitaliste qui reçoit un intérêt, cède ses droits au profit que son capital peut faire ; il renonce aux services productifs que son capital peut rendre pendant tout le temps où il est prêté.

L’entrepreneur qui emprunte, gagne ou perd sur l’intérêt payé, selon qu’il tire du capital des profits supérieurs ou inférieurs à cet intérêt.

L’intérêt d’un capital prêté peut, presque toujours, se décomposer en deux parts ; l’une qui représente et qui paie le service que peut rendre le capital comme instrument de production : c’est l’intérêt proprement dit ; l’autre, qui représente le risque que le prêteur court de ne pas rentrer dans son capital : c’est une espèce de prime d’assurance. »

La rareté des capitaux disponibles, l’abondance des emplois lucratifs et sûrs, tendent à faire hausser le taux de l’intérêt proprement dit. Les circonstances contraires tendent à le baisser.

M.


Machines. Une machine est un outil, plus ou moins compliqué, dont l’industrie se sert pour tirer de l’utilité des instrumens naturels.

Leur valeur fait partie du capital productif.

Elles sont d’autant plus avantageuses que, sous une moindre valeur, et avec moins de frais, elles obtiennent plus d’utilité, une plus grande quantité de produits.

Quand la valeur vénale, ou prix courant, des produits qu’elles ont créés, reste la même malgré cette plus abondante production, c’est le producteur qui fait son profit de l’utilité produite. Quand le prix courant baisse, c’est le consommateur. Dans l’un et l’autre cas, il y a un gain fait.

L’introduction d’une nouvelle machine occasionne une diminution dans la somme des revenus gagnés par la classe des ouvriers jusqu’au moment où ils parviennent à occuper leurs facultés à une autre partie de la même ou de toute autre production. Le revenu des entrepreneurs ou capitalistes, au contraire, en est augmenté.

Cet effet est momentané ; et, pour l’ordinaire, au bout de peu de temps, les producteurs pouvant baisser leurs prix sans y perdre, et la concurrence leur en fesant une loi, le revenu des consommateurs s’en trouve augmenté sans que ce soit aux dépens de personne, et la demande du travail des manouvriers n’est pas moindre qu’auparavant.


Manufactures, et industrie manufacturière. C’est l’industrie qui donne, par un changement de forme de la valeur à une matière brute, ou bien ajoute de la valeur à une matière déjà manufacturée.

L’industrie manufacturière ne s’entend pas seulement des façons données en atelier, par un grand nombre d’ouvriers réunis ; elle s’entend aussi des plus simples façons données dans les boutiques, dans les demeures privées, et même dans l’intérieur des ménages. Un tailleur, un cordonnier, un pâtissier, sont des manufacturiers ; et une ménagère l’est aussi, au moment qu’elle se tricote une paire de bas.


Manufacturier. C’est l’entrepreneur d’une industrie manufacturière. Lorsqu’il y emploie ses propres capitaux, il est en même temps capitaliste.


Marchandise. Produit acheté pour être revendu.

Lorsqu’une marchandise est mise en vente pour passer entre les mains du consommateur, et par conséquent pour sortir du commerce, elle devient une denrée.


Marché. Lieu où l’on trouve à échanger, ou, si l’on veut, à vendre ses produits.

En économie politique, ce n’est pas seulement le lieu où l’on se rassemble matériellement pour vendre et acheter : c’est le lieu quelconque où il se présente des acheteurs. Ainsi l’Angleterre est un marché pour le thé de Chine, et l’Asie est un marché pour les métaux précieux du Nouveau-Monde.

Ce mot, dans beaucoup de cas, peut être remplacé par celui de débouchés.


Métaux Précieux. L’or et l’argent, sorte de marchandise dont une partie est employée à remplir l’office de monnaie, et une autre partie à faire des meubles et des ustensiles.


Monnaie. Marchandise qui sert d’instrument dans les échanges. On échange d’abord le produit qu’on a créé contre de la monnaie, puis ensuite la monnaie contre le produit qu’on veut consommer.

La monnaie est une marchandise qui est constamment dans la circulation ; car personne ne l’acquiert pour la consommer, mais pour l’échanger de nouveau. La source de sa valeur est dans ses usages comme celle de toute autre marchandise, et décline d’autant plus qu’elle est en plus grande quantité comparativement avec la quantité dont on a besoin. Lorsqu’elle est faite avec des métaux précieux, la quantité qu’on peut en mettre en circulation est déterminée par les frais de leur exploitation, qui portent son prix à un taux qui borne l’étendue de la demande qu’on en fait. Lorsqu’elle est en papier, cette borne n’existant pas, elle peut subir une grande dépréciation[21].

Toute personne qui a des produits à échanger (à vendre) reçoit, à égalité de valeur, de la monnaie préférablement à toute autre marchandise, par la raison qu’elle conviendra indubitablement à toute autre personne qui aura d’autres produits à échanger (à vendre). Tellement qu’avec de la monnaie on est assuré de se procurer les choses dont on a besoin par un seul échange, tandis qu’il en faut deux lorsqu’on a toute autre marchandise à donner ; ce qui peut présenter des difficultés.

La monnaie est un produit de l’industrie humaine : le gouvernement s’en réserve communément la fabrication exclusive ; et sa matière première, quand elle est de métal, s’usant peu, ce sont presque toujours des mêmes matières dont on se sert, mais qui reçoivent de nouvelles empreintes selon les temps et les lieux.

Elle ne fait partie des capitaux d’un pays que lorsqu’elle est destinée à faire des avances à la production. Celle qui est reçue à titre de revenu, et qui est destinée aux dépenses improductives, ne fait point partie des capitaux ; c’est probablement la portion la plus importante des monnaies.

Les monnaies qui se trouvent dans un pays, et qui s’y trouvaient l’année précédente, ne font point partie de la production annuelle de ces pays. Il n’y a de nouvellement produit que l’excédant, s’il y en a, de la valeur des monnaies existantes cette année, par-dessus celles de l’autre année.

L’augmentation ou la diminution de cette marchandise, comme de toute autre, n’indique pas une augmentation ou une diminution dans le capital total du pays, puisque chaque marchandise en particulier ne fait jamais qu’une assez faible portion du capital total d’une nation, et qu’une diminution dans la somme, d’une marchandise, peut être balancée par une augmentation dans la somme d’une autre.

La valeur totale de la monnaie d’un pays n’est pas déterminée par la quantité que l’on en met dans la circulation, mais par la somme que réclament les transactions qui s’y opèrent ; ainsi, un pays qui a besoin de deux milliards de monnaie, valeur actuelle, en a toujours (sauf des dérangemens accidentels) pour deux milliards, valeur actuelle, aussi long-temps que les besoins restent les mêmes. S’il y a beaucoup de pièces o» de billets pour faire cette somme, chacun d’eux vaut moins ; s’il y en a peu, chacun d’eux vaut plus. Cette valeur peut varier nominalement ; elle peut s’appeler quarante - six milliards ; mais elle n’achète toujours que la même quantité de blé ou de toute autre marchandise.

L’activité dans la circulation des monnaies, équivaut à une quantité plus grande ; de même que des voitures, constamment employées, équivalent à un plus grand nombre de voitures qui se reposent fréquemment.

N’étant pas reçue dans le but d’être consommée, la monnaie peut être remplacée par un signe (tel que des billets, des crédits ouverts en compte courant, des viremens de parties, etc. ) ; mais le signe ne peut valoir la chose, qu’autant qu’avec le signe on peut se*la procurer à l’instant.


N.
Négociant, ou Commerçant. L’entrepreneur d’une industrie commerciale. Lorsqu’il y emploie ses propres capitaux, il est en même temps capitaliste.
O.

Ouvrier. Celui qui loue sa capacité industrielle, ou qui vend son travail, et qui, par conséquent, renonce à ses profits industriels pour un salaire.


P.

Prêt. Acte par lequel on cède la jouissance temporaire d’une chose qu’on possède.

Dans le prêt à intérêt, c’est la faculté productive d’un capital qu’on prête, et non une somme d’argent.

La monnaie qui a servi à transmettre la valeur prêtée, ne reste pas dans les mains de l’emprunteur ; au premier achat qu’il fait, elle passe en d’autres mains, tandis que la valeur reste prêtée[22].


Prix. Valeur d’une chose exprimée en monnaie, ou, si l’on veut, la quantité de monnaie dont la valeur correspond à la valeur de £ette chose.


Le prix courant est celui auquel, en chaque lieu, une chose trouve des acquéreurs.

Les différentes quantités de monnaie que valent, en même temps, au même lieu, deux choses diverses, offrent une manière commode de comparer leur valeur. C’est sous ce rapport seulement que le prix est la mesure de la valeur.

On achète un produit, soit avec la monnaie que l’on tire <le la vente d’un autre produit, soit avec ce que l’on paie pour ses frais de production.

Ce qu’il coûte dans le premier cas, est son prix relatif ; Ce qu’il coûte dans le second cas, est son prix réel, ou originaire[23].

Les variations dans le prix relatif changent la richesse réciproque des possesseurs des différens produits, mais ne changent rien à la richesse générale : quand le sucre renchérit par rapport au prix des autres produits, les propriétaires de sucre sont plus riches, mais les propriétaires des autres. produits sont plus pauvres d’autant ; ils ne peuvent plus, avec ce qu’ils possèdent, acquérir la même quantité de sucre.

Les variations dans le prix réel ou originaire d’un produit, c’est- à- dire dans ce qu’il coûte en services productifs, diminuent les richesses des nations quand ce prix hausse, et accroissent les richesses des nations quand ce prix baisse. Chaque famille, en effet, étant obligée à moins de dépense pour ce produit, se trouve avoir plus de ressources pour s’en, procurer d’autres.

Le prix varie nominalement, lorsque, sans qu’il y ait aucun changement dans la quantité de la marchandise monnaie qu’on donne en paiement, il y a un changement dans sa dénomination. Si l’on achète une chose au prix d’une once d’argent qui, frappée en monnaie, s’appelle trois livres, comme à la fin du dix-septième siècle, et qu’on achète la même chose au prix d’une once d’argent qui, frappée en monnaie, s’appelle six livres, comme au milieu du dix-huitième siècle, son prix en argent a changé seulement de nom, mais non pas de fait.


Producteur. Celui qui produit, soit par son industrie, soit par son capital, soit par son fonds de terre.

Le capitaliste et le propriétaire foncier sont ici appelés producteurs, parce que s’ils ne produisent pas par eux-mêmes, ils concourent à la production par le moyen de leur instrument. Ils ne sont pas producteurs, quand ils laissent leur instrument oisif.

Ils obtiennent leur part des valeurs produites par le loyer (intérêt ou fermage) que leur paie l’entrepreneur qui fait travailler l’instrument.


Production ; produire. Produire, c’est donner à une chose une valeur reconnue pour telle, susceptible de procurer par l’échange une autre chose de valeur égale ; c’est aussi augmenter, la valeur reconnue qu’une chose a déjà.

La production crée de la valeur en donnant ou augmentant l’utilité de la chose, et en établissant par là la demande qui en est faite et qui est la première cause qui la fait valoir.

Toute chose dont on a ainsi créé, ou augmenté la valeur, est un produit.

La production a lieu par les services productifs que rendent l’industrie et ses instrumens.

La production agricole est une création de valeur, que l’on obtient par le moyen de la culture des terres ou par des travaux analogues, tels que la pêche, l’exploitation des mines.

La production manufacturière est une création de valeur obtenue par la modification de produits déjà existans.

La production commerciale est une création de valeur obtenue par le transport ou la distribution aux consommateurs, de produits déjà existans.

Pour qu’il y ait production de valeur, il faut que la valeur des produits créés égale tout au moins la valeur des services au moyen desquels on les a obtenus. La valeur des produits est le salaire des services rendus, et ce salaire n’est payé que lorsque la valeur produite vaut les frais de production. Si un homme ; par son travail de trois jours, ne pouvait créer que sa subsistance de deux jours, il ne rentrerait pas dans ses avances, et ne pourrait pas continuer sur ce pied.

De même si un entrepreneur, en fesant des frais égaux à trois mille francs, n’en retirait qu’un produit égal à deux mille francs, il ne rentrerait pas dans ses avances.

La production est un problème dont la solution consiste à trouver les moyens de créer un produit qui vaille ses frais de production, en y comprenant, comme de raison, le travail de l’entrepreneur, lequel est une avance de même que les autres frais. Une fois cette condition remplie, toute production est un avantage assuré à la société : son capital est conservé, tous les services productifs sont payés, et la société est en état de satisfaire une plus grande quantité de besoins.

Quand le produit vaut plus que les services productifs nécessaires pour le créer, les services, ou une partie d’entre eux, tels que ceux de l’entrepreneur, sont plus largement payés. L’effet de cette circonstance est de multiplier les producteurs dans ce genre de production, jusqu’à ce que la concurrence ait amené le produit à ne plus valoir que ses frais de production.

Tout ce qui se produit se consomme, car qu’est-ce que produire ? c’est former des choses qui ont une valeur ; elles ne peuvent avoir une valeur qu’autant qu’elles sont demandées ; elles ne peuvent être demandées qu’en vertu de l’usage, de la consommation qu’on en veut faire.

Ce principe résout la dispute de ceux qui prétendent qu’on peut trop produire, et de ceux qui soutiennent qu’on ne peut pas trop produire : on peut trop produire des choses qui ne méritent pas le nom de produits ; et l’on ne peut pas trop produire des choses qui méritent le nom de produits, c’est-à-dire qui ont une valeur égale à leurs frais de production ; car cette valeur même est une preuve qu’ils sont assez demandés pour devoir être consommés.

Quel que soit le bon marché des produits, ils ne sauraient être à trop bas prix, pourvu que ce prix soit suffisant pour acquitter leurs frais de production. Cette condition remplie, le bas prix des produits fait la richesse de la nation qui acquiert alors-plus de jouissances à moins dé frais.

Quand les fléaux célestes, comme des sécheresses prolongées, ou des fléaux humains, comme un gouvernement tyrannique, ravissent aux producteurs une trop grande part de leurs produits, alors il se peut que les produits qui leur restent ne suffisent pas, pour la plupart, pour les indemniser de leurs frais de production. Alors les capitaux s’épuisent, le travail ne nourrit plus, les travailleurs, la production décliné, et les nations disparaissent, comme il est arrivé à quelques peuples de l’Orient et à quelques-uns de la côte septentrionale de l’Afrique.

Produit. C’est une chose à l’usage de l’homme, où l’on ne considère que l’utilité que lui ont communiquée les agens de la production, et la valeur qui en est résultée[24]. L’utilité créée constitue le produit. La valeur échangeable qui en résulte, n’est que la mesure de cette utilité, la mesure de la production qui a eu lieu.

Oh se procure les produits par le moyen des services productifs. Plus on peut avoir de produits pour les mêmes services productifs, et plus les produits sont à bon marché, d’abord pour celui qui les crée, et par suite pour celui qui les achète ; car la concurrence des producteurs oblige ceux-ci à donner leurs produits au prix coûtant. (Le prix coûtant pour le producteur, ce sont les frais de production, qui comprennent les profits de sa propre industrie.)

Si les produits pouvaient exister sans qu’on les payât par des services productifs, ils cesseraient d’être des produits ; ils ne coûteraient rien, comme il arrive pour l’eau, l’air, la lumière du soleil. Jusque-là il vaut mieux les payer que de n’en pas jouir ; mais c’est un perfectionnement dans la production que de les payer moins cher, de les obtenir au prix de moins de frais, de moins de services productifs.

Les frais qui n’ajoutent rien à l’utilité d’un produit, sont des frais perdus : ils sont perdus pour le producteur, s’ils n’augmentent pas la valeur du produit ; ils sont perdus pour le consommateur, s’ils l’augmentent. Un produit, du moment qu’il est destiné à la vente, est une marchandise ; du moment qu’il est destiné à la consommation, c’est une denrée[25].


Produit immatériel. C’est toute espèce d’utilité qui n’est attachée à aucun corps matériel, et qui, par conséquent, est nécessairement consommée au même instant que produite.

Les produits immatériels sont, comme les autres produits, le résultat d’une industrie, ou d’un capital, ou d’un fonds de terre, ou de tous les trois ensemble.

L’utilité qu’on retire du service d’un médecin, d’un avocat, d’un fonctionnaire civil ou militaire, est un résultat de leur industrie ;

L’utilité qu’on retire d’une maison, ou d’un meuble durable, de l’argenterie, est un résultat du service d’un capital ;

L’utilité ou le plaisir qu’on retire d’une route ou d’un jardin d’agrément, sont le résultat du service d’un fonds de terre, accru du capital consacré à leur arrangement.

Certains produits immatériels, bien que consommes aussitôt que produits, sont susceptibles d’accumulation, et, par conséquent, de former des capitaux, lorsque leur valeur consommée se remontre et se fixe dans un fonds durable. C’est ainsi que la leçon orale d’un professeur dans l’art de guérir, se reproduit dans le fonds de faculté industrielle, de ceux de ses élèves qui en ont profité. Cette valeur est alors attachée à un sujet durable, qui est l’élève.


Produit brut ; produit net. Pour un particulier, le produit brut est ce qu’a rapporté une entreprise quand on n’en a pas déduit les frais ; le produit net est ce qu’elle a rapporté, les frais déduits. Pour une nation, le produit net et le produit brut sont la même chose, parce que les frais remboursés par un entrepreneur, sont des profits acquis par un autre.

La valeur entière des produits, ou leur valeur brute, se distribue toute en profits entre les producteurs ; la somme de ces profits est donc égale à la valeur brute des produits.

Le revenu d’une nation est par conséquent la valeur brute de tous ses produits, sans défalcation aucune, même de ceux qu’elle tire de l’étranger ; car elle ne peut les avoir acquisqu’au moyen de ses propres produits[26].


Profit. C’est la part que chaque producteur retire de la valeur d’un produit créé, en échange du service qui a contribué à la création de ce produit.

Le possesseur des facultés industrielles retire les profits industriels ;

Le possesseur du capital, les profits capitaux ;

Le possesseur du fonds de terre, les profits territoriaux.

Chaque producteur rembourse à ceux qui l’ont précédé, en même temps que leurs avances, les profits auxquels ils peuvent prétendre. Le dernier producteur est à son tour remboursé de ses avances et payé de ses profits par le consommateur.

La totalité des profits que fait un producteur dans le cours d’une année, compose son revenu annuel ; et la totalité des profits faits dans une nation, le revenu national.

Quand le producteur (industrieux, capitaliste ou propriétaire foncier) vend le service productif de son fonds, il fait une espèce de marché à forfait, dans lequel il abandonne à un entrepreneur le profit qui peut résulter de la chose produite, moyennant :

Un salaire, si son fonds est une faculté industrielle ;

Un intérêt, si son fonds est un capital ;

Un fermage, si son fonds est une terre.

La totalité de ces profits à forfait se nomme aussi revenu.


Propriétaire foncier. C’est le propriétaire d’un fonds de terre employé productivement, soit qu’il le fasse valoir par lui-même, et dans ce cas il est en même temps cultivateur ; soit qu’il le loue à un fermier, qui acquiert par là le droit d’en retirer les profits.


Propriété. La propriété est une possession reconnue. L’économie politique en suppose l’existence comme une chose de fait, et n’en considère qu’accidentellement le fondement et les conséquences. En effet, on ne peut rechercher la manière dont se forment, se distribuent et se consomment les richesses, que lorsqu’il peut y avoir des richesses, et il ne peut y avoir de richesses créées, distribuées et consommées, sans propriété.

La propriété offre aux hommes le plus grand des encouragemens pour acquérir des richesses, et par conséquent pour la production.

On appelle aussi propriétés les choses possédées.

La propriété la plus incontestable est celle des facultés personnelles, car elle n’a été donnée à nul autre. La plus incontestable est ensuite celle des capitaux ; car elle a été originairement acquise par l’épargne, et celui qui épargne un produit pouvait, en le consommant, détruire tout autre droit que le sien sur ce même produit. La moins honorable de toutes est la propriété foncière, car il êst rare qu’elle ne remonte pas à une spoliation par fraude ou par violence.


Propriété foncière. Voy. Fonds de terre.

Q.

Quantité offerte ; quantité demandée. On entend ici, par ces expressions, la quantité totale de chaque produit qui se trouve demandée ou offerte pour être échangée dans chaque localité.

Ces quantités dépendent de l’action combinée du besoin qu’on a du produit[27], du degré de richesse des consommateurs, et des frais de production du produit La quantité qu’on en demande est d’autant plus forte que le besoin est plus vif, la richesse des consommateurs plus grande, les frais de production moindres. Elle est d’autant plus faible que le besoin est moins vif, la richesse des consommateurs plus petite,.et les frais plus considérables.

La quantité offerte d’un produit, est la quantité qu’on en fait, qu’on en jette dans la circulation. Elle tend constamment à se proportionner à la quantité demandée ; car lorsque les producteurs offrent d’un certain produit plus qu’on n’en demande, ils sont obligés de le céder pour un prix inférieur à celui de. ses frais de production ; ce qui porte les producteurs à réduire la quantité produite : et, quand ils en offrent moins, le prix de la chose monte au-dessus de ses frais de production : ce qui porte à en augmenter la production.

Comme l’échange de deux produits n’est, dans la réalité, que l’échange des services productifs qui ont servi à les faire, la quantité demandée n’est que la quantité demandée des services productifs propres à créer le produit qu’on demande. De même, l’offre du produit que l’on consent à donner en échange, n’est que l’offre des services productifs propres à exécuter le produit qu’on offre ; les quantités demandées et offertes ne sont donc, en dernière analyse, que des quantités de services productifs.

La quantité offerte, et la quantité dans la, circulation, sont synonymes.
R.

Rente de la terre. C’est ce que rapporte une terre comparativement avec son prix d’achat. Une terre qui a coûté cent mille francs, et qui en rapporte quatre mille, donne quatre pour cent de rente.

Les profits d’un fonds de terre peuvent être très-forts, si la terre est très-féconde, et cependant la rente de ce fonds de terre peut être fort modique, si la valeur vénale du fonds est considérable, relativement à ses produits.


Reproduction. Voy. Production : c’est la même chose. On appelle quelquefois la production du nom de reproduction, parce qu’elle n’est en effet qu’une reproduction de matières sous une autre forme qui leur donne quelque valeur, au lieu d’une précédente forme sous laquelle elles en avaient moins, ou point du tout.

Le mot production est plus exact, parce que la richesse dont il est ici question, ne consiste pas dans la matière, mais dans la valeur de la matière, valeur qui est bien réellement produite de toutes pièces.


Revenu. Il se compose de la somme de tous les profits que chaque personne retire des fonds productifs qu’elle possède ; c’est-à-dire de sa capacité industrielle, de ses capitaux et de ses terres.

Elle peut consommer ses revenus en nature ou après un échange. Si elle habite sa propre maison, si elle vit sur sa terre, elle consomme immédiatement les services productifs de la maison et de la terre. Si elle vend les produits de la terre, elle les consomme après un échange.

Elle consomme également après un échange les services productifs de ses fonds, si elle emploie ces services à la création d’un nouveau produit ; car la production est un échange où l’on donne des services productifs pour recevoir un produit.


Le Revenu annuel est la somme de tous les revenus qu’on a recueillis dans l’année. Le Revenu national est la somme de tous les revenus recueillis dans la nation[28].

Un particulier ou une nation qui consomment improductivement tous leurs revenus, ne s’en trouvent pas plus pauvres ; car, conservant leurs fonds productifs, ils peuvent jouir du même revenu l’année suivante[29]. Ils augmentent leurs richesses de toute la portion de leurs revenus qu’ils consomment reproductivement, parce que c’est autant d’ajouté à leurs capitaux.

Le revenu national égale le produit brut de la nation, ou la valeur entière de tous les produits ; car les frais qu’un producteur déduit de son produit brut pour connaître son produit net, font partie des revenus de quelque autre producteur[30].

L’importance des revenus est proportionnée à la quantité de produits qu’ils procurent. Ainsi, par exemple, le revenu d’un verger, si le possesseur en consomme les produits en nature, est proportionné à la quantité de fruits qu’il en tire ; s’il vend ses fruits, à la quantité de produits qu’il peut acheter avec le prix qu’il a tiré de ses fruits. Dans les deux cas, l’importance du revenu est proportionnée à la quantité de produits obtenue.

La monnaie ne fait pas partie du revenu de la nation, puisqu’elle ne présente aucune nouvelle valeur créée ; mais les valeurs qui composent les revenus se transmettent souvent sous forme de monnaie. La monnaie est alors le prix de la vente qu’on a faite d’un service productif ou d’un produit dont la valeur constituait le revenu. Cette monnaie, acquise par un échange, est bientôt cédée par un autre échange, lorsqu’on s’en sert pour acheter des objets de consommation. Les mêmes écus dans le cours d’une année servent ainsi à payer bien des portions de revenus successivement acquises, mais leur plus ou moins grande abondance ne rend pas les revenus plus ou moins considérables.


Richesse. Dans sa signification la plus étendue, ce mot désigne les biens que nous possédons et qui peuvent servir à la satisfaction de nos besoins, ou même à la gratification de nos goûts.

Les biens également accessibles à tous, dont chacun peut jouir à sa volonté, sans être .obligé de les acquérir, sans crainte de les épuiser, tels que l’air, l’eau, la lumière du soleil, nous étant donnés gratuitement par la nature, peuvent être appelés des, richesses naturelles. Comme elles ne sauraient être ni produites, ni distribuées, ni consommées, elles ne sont pas du ressort de l’économie politique.

Celles dont l’étude fait l’objet de cette science, se composent des biens qu’on possède, et qui ont une valeur reconnue. On peut les nommer richesses sociales, parce qu’elles n’existent que parmi les hommes réunis en société.

La valeur des choses (valeur par le moyen de laquelle elles deviennent des richesses sociales) n’est reconnue, que lorsqu’elle peut obtenir par voie d’échange une autre valeur. Valeur reconnue et valeur échangeable ont une même signification.

On est riche soit en produits déjà créés, soit en fonds productifs, c’est-à-dire en facultés de créer des produits.

Quand on est riche en produits déjà créés, quels qu’aient été les frais de leur production, on devient plus riche du moment que leur valeur échangeable s’élève ; on devient plus pauvre du moment qu’elle s’abaisse. Par contre, les consommateurs de ces mêmes produits, sont plus pauvres dans le premier cas et plus riches dans le second. Ces variations ne changent rien à la richesse des nations, puisque ce qui est gagné de cette manière par un homme, est perdu par un autre.

Un fonds productif devient une richesse plus grande lorsque les consommateurs mettent un plus haut prix aux services qu’il est capable de rendre ; ce qui arrive lorsque les circonstances de la société dont on fait partie, s’améliorent, qu’elle devient plus riche et plus civilisée. Un fonds productif est encore une richesse plus grande, lorsqu’on parvient à en tirer, sans plus de frais, une plus grande quantité de produits, ou, ce qui revient au même, la même quantité avec moins de frais. Cette augmentation de richesse est acquise au profit du producteur quand il n’est pas obligé de baisser son prix au niveau des frais de production ; elle est acquise au profit des consommateurs quand le prix n’excède pas les frais de production. Dans les deux cas la richesse de la nation est augmentée.

Comment se peut-il que la valeur des choses soit la mesure de la quantité de richesse qui est en elles, et en même temps que la richesse d’une nation soit d’autant plus grande que les produits y ont moins de valeur?

Pour résoudre cette difficulté, l’une des plus grandes que présente l’étude de l’économie politique, il faut se pénétrer de cette vérité que toute valeur est relative ; que la valeur d’une chose ne peut baisser sans relever la valeur de la chose avec laquelle on l’achète. Or, avec quoi achetons-nous les produits qui satisfont nos besoins et nos goûts ? Avec nos fonds productifs ou, si l’on veut, avec les profits qui en émanent et qui composent nos revenus. Par conséquent, moins est grande la valeur des produits, et plus est grande la valeur de nos fonds et de nos revenus. Or, c’est là ce qui constitue la richesse des particuliers et des nations, ce qui leur procure de quoi consommer davantage et satisfaire un plus grand nombre de besoins. Les produits déjà existans ne sont que des approvisionnemens qui ne diminuent pas la somme de nos jouissances en baissant de prix.

Le comble de la richesse serait de pouvoir se procurer pour rien tout ce qu’on voudrait avoir, comme il arriverait si nos besoins pouvaient tous être satisfaits par des richesses naturelles.

On serait, au contraire, au comble de la pauvreté, si la valeur des choses dont on a besoin, excédait celle des revenus dont on peut disposer[31].

On ne saurait évaluer dans un lieu les richesses d’un autre lieu,,par la raison que les choses changent de valeur en changeant de place.On peut estimer à 700 millions de livres sterling[32] la totalité des revenus de l’Angleterre ; on peut, lorsque le cours du change est à 25 fr. pour une livre sterling, dire que 700 millions de livres sterling valent à Paris 17,500,000,000 de francs ; mais l’on n’a encore aucune idée de ce que ces 700 millions de livres sterling peuvent acheter en Angleterre[33] .

On ne peut pas même comparer la quantité d’utilité produite dans un pays, avec la quantité produite dans un autre. L’utilité que les hommes d’un pays trouvent dans un produit, ne peut s’apprécier que par le prix qu’ils mettent à ce produit ; et les prix d’un pays ne peuvent s’évaluer dans un autre.

Cela montre qu’on ne peut compter sur aucun résultat positif, en comparant la richesse d’un pays avec celle d’un autre» C’est la quadrature du cercle de l’économie politique. Il faut se contenter de savoir que la nation çhez qui les produits à consommer, sont, en général, le plus abondans par rapport à la population, et où les produits se distribuent le mieux en proportion de la part que chacun a prise à la production, est celle où l’on est le mieux accommodé, où l’on jouit de plus d’aisance[34].

S.

Salaire. C’est le prix qu’un entrepreneur paie pour l’usage d’une capacité industrielle dont il retire le profit.

Le salaire est relativement au profit industriel, ce que l’intérêt est au profit du capital ; ce que le fermage est au profit du fonds de terre.


Savans. Ils concourent à la production en fesant connaître les lois et les corps de la nature que les entrepreneurs d’industrie font ensuite servir à l’usage de l’homme.

Services productifs. Ce sont les services rendus par l’homme, les capitaux et les agens naturels dans l’œuvre de la production. Leur prix, quand le service rendu n’est pas gratuit, compose les frais de production.

Le propriétaire du fonds par qui ces services sont rendus peut les exploiter pour son compte, ou vendre à d’autres personnes les services qu’on en peut tirer.

Louer un fonds productif, ou vendre le service productif qu’on en peut tirer, c’est la même chose.

Le propriétaire d’un fonds productif, l’exploitant pour son compte, le produit qu’il en retire, c’est-à-dire la valeur des choses produites, l’indemnise de la valeur des services productifs qu’il a consommés.

S’il vend le service productif d’un fonds, celui qui l’achète est un entrepreneur. La valeur produite est alors au compte de l’entrepreneur, et l’indemnise, bien ou mal, de la valeur des services productifs qu’il a achetés et consommés pour produire.

Les services productifs qui se trouvent avoir un mérite spécial et qui ne peuvent être suppléés par d’autres, exercent une sorte de monopole qui en élève le prix, lorsque d’ailleurs les circonstances font demander les produits qui en résultent. Tels sont les services fonciers que rendent les fonds de terre des vignobles de Bourgogne, et qui se paient plus cher que les services rendus par des vignobles ordinaires ; tels sont encore les services industriels d’un artiste habile. La demande qu’on fait de leurs produits distingués, entraîne la demande des services capables de les fournir ; ces services étant alors plus demandés que d’autres à proportion de leur quantité offerte, leur prix n’a de bornes que celle qu’y mettent les goûts et les facultés des consommateurs.

Les principaux succès de l’industrie sont dus au parti qu’elle sait tirer du service productif des capitaux et des agens naturels (qui comprennent les terres). Le service qu’on peut tirer surtout des agens naturels non appropriés (c’est-à-dire de toutes les lois du monde physique) n’a point de bornes connues. Il dépend de la civilisation et des lumières d’une nation.


Spéculateur, Spéculation. Le commerce de spéculation consiste plutôt à acheter une marchandise lorsqu’elle est à bon marché, pour la revendre lorsqu’elle est chère, qu’à l’acheter au lieu où elle vaut moins pour la revendre au lieu où elle vaut plus. Cette dernière opération constitue le commerce proprement dit ; elle donne une véritable façon aux produits, leur communique, en les mettant à portée du consommateur, une qualité qu’ils n’avaient pas. Le spéculateur n’est d’aucune utilité, si ce n’est pourtant de retirer une marchandise de la circulation lorsqu’elle y est trop abondante, pour l’y reverser lorsqu’elle y est trop rare[35].

T.

Terres. L’un des instrumens naturels de la production. Le service des terres dans l’acte de la production est un des services productifs auxquels nous devons les produits. (Voyez Fonds de terre.)

Travail. Action suivie, dirigée vers un but. Le travail est productif lorsqu’il confère à une chose quelconque un degré d’utilité d’où résulte, pour cette chose, une valeur échangeable, ou un accroissement de valeur échangeable égale ou supérieure à la valeur du travail employé. Le travail est encore productif lorsqu’il en résulte un service qui a une valeur échangeable, quoique ce service soit consommé en même temps que rendu. Il est improductif lorsqu’il n’en résulte aucune valeur.

Les travaux productifs sont de trois espèces : ceux du savant ; ceux de l’entrepreneur d’industrie ; ceux de l’ouvrier.

U.

Utilité. C’est, en économie politique, la faculté qu’ont les choses de pouvoir servir à l’homme, de quelque manière que ce soit. La chose la plus inutile, et même la plus incommode, comme un manteau de cour, a ce qu’on appelle ici son utilité si l’usage dont elle est, quel qu’il soit, suffit pour qu’on y attache un prix.

Ce prix est la mesure de l’utilité qu’elle a, au jugement des hommes, de la satisfaction qu’ils retirent de sa consommation ; car ils ne chercheraient pas à consommer cette utilité, si, pour le prix dont elle est, ils pouvaient acquérir une utilité qui leur procurât plus de satisfaction.

L’utilité, ainsi entendue, est le fondement de la demande qui est faite des produits et par conséquent de leur valeur. Mais cette valeur ne monte pas au-delà des frais de production ; car au-delà de ce taux, il convient à celui qui a besoin d’un produit, de le faire ; ou plutôt il n’est jamais réduit à la nécessité de le créer lui-même ; car à ce taux, il convient à tout entrepreneur de se charger de ce soin.

Il y a une utilité médiate et une utilité immédiate. Celle-ci est celle dont on peut user immédiatement, comme celle de tous les objets de consommation.

L’utilité médiate est celle des objets qui ont une valeur comme moyen de procurer un objet d’usage immédiat ; telle est celle d’une somme d’argent, d’un contrat de rente, d’un effet de commerce, d’un fonds productif susceptible de pouvoir être aliéné,

V.

Valeur des choses, valeur échangeable, valeur appréciative des choses. C’est ce qu’une chose vaut ; c’est la quantité d’autres choses évaluables qu’on peut obtenir en échange d’elle[36].

La valeur de chaque chose est le résultat de l’évaluation contradictoire faite entre celui qui en a besoin, ou qui la demande ; et celui qui la produit, ou qui l’offre.

Ses deux fondemens sont donc :

1o L’utilité qui détermine la demande qu’on en fait ;

2o Les frais de sa production qui bornent l’étendue de cette demande ; car on cesse de demander ce qui coûte trop de frais de production.

Lorsque son utilité n’élève pas sa valeur au niveau de ses frais de production, la chose ne vaut pas ce qu’elle coûte.

La valeur des choses appréciée en monnaie, est ce qu’on nomme leur prix.

Pour la fixation de la valeur, voyez le mot Services productifs.

Pour les trois sortes de variations qui peuvent survenir dans la valeur des choses, voyez le mot Prix.

Et pour les rapports de valeurs entre les fonds productifs, les revenus et les produits, voyez les mots Revenu, Richesse.


Valeur ou Valeurs (au pluriel) se prend quelquefois pour la chose ou les choses évaluables dont on peut dis. poser, mais en fesant abstraction de la chose, et en ne considérant que sa valeur. C’est ainsi qu’on dit : Il a déposé des valeurs pour gage de sa dette.

Quand on prête un capital, ce sont toujours des valeurs qu’on prête, et non tel ou tel produit ; car s’il a été prêté en écus, ce ne sont pas les mêmes écus qu’on restitue. Si le capital a été prêté en marchandises, comme lorsqu’on vend à crédit, ce ne sont pas les. mêmes marchandises qu’on rend, mais d’autres marchandises, ou des écus, pour la même valeur.

Le même mot s’entend aussi des signes représentatifs de choses évaluables, des titres au moyen desquels on peut se les procurer. On a des valeurs en porte-feuille, quand on y a des lettres de change, des billets de banque, des contrats de rentes, etc.

Virement de parties. Procédé par lequel on s’acquitte d’une dette au moyen d’une créance, sans avoir recours à l’acte matériel de recevoir une somme de monnaie pour la donner à l’instant même en paiement.



FIN DE l’ÉPITOME.

  1. Dans l’ordre des idées, par exemple, il semble qu’on ne doive étudier le phénomène de la consommation qu’après celui de la production, dont il est le but et le complément : cependant on ne peut entendre la production sans se familiariser avec la nature et l’office des capitaux ; et il est impossible de bien connaître la nature et l’office des capitaux, si l’on ne distingue la consommation improductive de la consommation reproductive ; si l’on n’a, par conséquent, analysé le phénomène de la consommation.
  2. Presque toutes les guerres livrées depuis cent ans, dans les quatre parties du monde, l’ont été pour une balance du commerce qui n’existe pas. Et d’où vient l’importance attribuée à cette prétendue balance du commerce ? De l’application exclusive qu’on a faite à tort du mot capital à des matières d’or et d’argent.
  3. On regarde les métaux précieux comme le solde au moyen duquel se complète le paiement des envois. Lorsqu’on dit que nous importons de tel pays pour 15 millions de marchandises, et que nous y exportons pour 20 millions, on s’imagine que nous tirons de ce pays 15 millions en marchandises et 5 millions en métaux précieux, pour compléter le paiement de 20 millions de marchandises que nous lui ayons vendues : présomption qui est démentie par le raisonnement et par l’expérience.
  4. Le prêteur transmet à l’emprunteur les valeurs qu’il lui confie sous différentes formes. C’est quelquefois sous la forme d’un titre qui donne à l’emprunteur le droit de disposer d’une valeur matérielle quelconque ; d’autres fois c’est sous la forme de marchandises, comme lorsqu’on vend des marchandises à crédit ; d’autres fois c’est en écus. La forme ne change pas la nature du capital, qui est toujours une valeur matérielle qu’on cède la faculté d’employer et de transformer ainsi qu’il convient à la production. C’est par suite d’une fausse conception de la nature et des fonctions d’un capital, que l’on a appelé son loyer intérêt de l’argent. C’est si peu l’argent que l’on prête, que les mêmes écus peuvent servir successivement à transmettre dix valeurs capitales qui sont autant de capitaux différens rapportant dix loyers différens.
  5. La plus grande quantité d’un certain produit, obtenue pour les mêmes frais, est une plus grande somme d’utilité obtenue. Cent paires de bas, produites par le métier à tricoter, procurent, pour les mêmes frais, une utilité double de celle de cinquante paires produites par les aiguilles d’une tricoteuse.
  6. Aussi, quand les circonstances politiques interrompent les relations extérieures, une nation ressent la privation de quelques marchandises exotiques, et de quelques profits qui naissaient du commerce extérieur ; mais elle n’en reçoit pas des coups aussi profonds, aussi sensibles, que des lois et des événemens qui portent atteinte à son industrie intérieure.
  7. L’utilité est ici la faculté qu’a une chose de pouvoir servir à un usage quelconque.
  8. Une journée de travail employée a été consommée, puisqu’elle ne peut plus être employée de nouveau ; mais le talent de l’ouvrier n’a pu être consommé, même en partie. Le service du terrain pendant une année, a été consommé ; car le même terrain ne peut plus servir cette même année ; mais le terrain lui-même peut servir éternellement ; on ne peut donc pas dire qu’il se consomme. La faculté industrielle est cependant consommée par la mort d« celui qui la possède, puisqu’elle ne peut plus servir au-delà.
  9. On est pleinement dédommagé quand le produit créé ne vaut que juste le produit consommé ; parce que, du moment que l’entrepreneur d’industrie rentre dans son avance purement et simplement, les profits sont payés. Le paiement de ces profits, par l’entrepreneur, est précisément ce qui constitue ses avances.
  10. Un boulanger consomme une partie de son capital en chauffant son four ; mais cette portion de capital est reproduite dès le même jour, et se retrouve dans la valeur du pain. Voilà donc une portion d’un même capital consommée et reproduite 365 fois par an ; la consommation annuelle de cette portion de capital l’excède dans la proportion de 365 à un.
  11. L’huile employée à la fabrication des savons, fait partie de la consommation totale d’une manufacture de savon, quoiqu’elle soit consommée reproductivement.
  12. Il ne faut pas croire que les revenus annuels de ces capitaux consommes ne sont pas supprimés, parce qu’on voit des arrérages payés aux rentiers de l’état : ils leur sont payés au moyen des contributions ; les contributions sont prises sur les revenus des contribuables. Ce n’est plus le revenu du capital prêté qui est payé au rentier : ce capital n’existe plus, et, par conséquent, ne fournit plus de revenu à personne. Ce qu’on paie au rentier est une rente prise sur d’autres revenus. (Voyez le tableau joint au chapitre ii du Livre III du Traité.)
  13. Le talent d’un artiste, d’un avocat, fait partie de leur fortune, mais, ne pouvant s’échanger, ne peut être évalué que par le revenu viager qu’ils en tirent.
  14. C’est l’espèce d’avantage qu’on trouve dans l’emploi des machines, dans un meilleur assolement des terres, etc. Quand, par le moyen d’une mule-jenny, on fait filer à la fois, à une seule personne, deux cents fils de coton ; quand, en alternant les cultures, on fait rapporter à un champ des fruits toutes les années, on emploie plus à profit les puissances de la mécanique, qu’en filant à la quenouille, et les facultés productives du sol qu’en fesant des jachères. Ou tire plus d’utilité de ces instrumens de production.
  15. Lorsqu’un pacha ne laisse à un paysan qu’une portion de sa récolte, insuffisante pour que la famille du paysan s’entretienne, cette famille décline ; lorsqu’il ne laisse au commerçant qu’une partie des marchandises produites par son commerce, ce commerçant ne disposant plus du même revenu, sa famille décline également. Tous les moyens de production peuvent être simultanément désavantageux. Cela peut s’observer, quoiqu’à un moindre degré, dans nos pays, lorsque l’industrie, sans être dans un état désespéré, souffre néanmoins d’une manière analogue, parce qu’aucun produit n’y peut être payé ce qu’il coûte. Liberté, sûreté et charges légères, sont des remèdes infaillibles contre ces maladies morales et politiques, qu’il dépend toujours de l’homme de faire cesser.
  16. Une nation dont les organes ne réclament pas efficacement contre une semblable lésion, n’est pas bien représentée.
  17. Plusieurs auteurs se contentent de la désigner par le nom de travail, quoiqu’elle embrasse des conceptions et des combinaisons pour lesquelles l’idée du travail semble trop restreinte.
  18. Quelques auteurs disent les industriels. Ce mot semble être moins dans l’analogie de la langue. On ne dit pas les superficiels, pour les hommes superficiels ; les sensuels, pour les hommes sensuels : au lieu qu’on dit les ambitieux, pour les hommes ambitieux, les séditieux, les religieux, etc.
  19. On peut objecter ici que l’entrepreneur d’industrie ne peut tirer parti d’une force naturelle, comme de la pesanteur de l’atmosphère, sans employer une machine, comme une machine à vapeur, dont le concours n’est pas gratuit ; aussi ne faut.il reconnaître comme service gratuit que l’utilité produite par la machine au-delà de celle que pourraient acheter les frais qu’elle occasionne.
  20. Intérêt de l’argent est une expression vicieuse, parce que cet argent, qui a été prêté et transformé en matières premières ou en machines, ne paie plus aucun intérêt et cesse même quelquefois d’être une valeur capitale. C’est la valeur des matières premières et des machines qui supporte alors un intérêt. C’est l’usage de cette valeur qu’on emprunte ; c’est cette valeur dont l’intérêt est le loyer. L’abondance ou la rareté de l’argent, ou de la monnaie, n’influe pas plus sur le taux de l’intérêt, que l’abondance ou la rareté du plomb, du cacao, ou de toute autre denrée. (Voyez Capital.)
  21. La proscription, de droit ou de fait, de tout autre agent des échanges, l’autorisation donnée aux débiteurs de s’acquitter légalement, par son moyen, de dettes antérieurement contractées ; son admission en paiement des impôts, et surtout une émission retenue dans les bornes des besoins de la circulation, peuvent soutenir la valeur du papier-monnaie au taux de l’or et de l’argent non monnayé, et même au-dessus. C’est-à-dire qu’on peut donner à un morceau de papier portant qu’il vaut un gramme d’or, la valeur d’un gramme d’or ; et même quelque chose par-delà, parce qu’un gramme d’or, sans empreinte, ne peut pas bien remplir l’office de monnaie.
  22. Si c’était la marchandise elle même qui fût prêtée, ce serait la même marchandise qu’il faudrait rendre ; dès-lors l’emprunteur n’aurait pas la faculté de la consommer, comme cela est pourtant .nécessaire pour la reproduction.
  23. C’est ce prix qu’Adam Smith appelle le prix naturel ; mais ce prix n’a rien de plus naturel qu’un autre. Il est fondé sur le prix courant des services productifs, comme le prix relatif est fonde sur le prix courant des autres produits.
  24. La portion d’utilité que lui a communiquée la nature sans l’intervention de l’homme ni de ses instrumens, ne fait point partie du produit, de la valeur du produit ; c’est une richesse naturelle qui n’a point coûté de frais de production.
  25. Il prend souvent le nom de marchandise avant d’être un produit complet : les bois de teinture, le coton, sont des marchandises, quoiqu’ils n’aient encore qu’une partie de l’utilité et de la valeur qu’ils doivent recevoir. Un produit ne prend le nom de denrée, que lorsqu’il n’a plus de nouvelles façons à subir, plus de nouvelle utilité à recevoir, et qu’il est mûr pour la consommation.
  26. On voit, à l’article consommation, qu’il faut, par la même raison, mettre au. n’ombre de ses consommations les produits qu’elle exporte.
  27. L’économie politique ne scrute qu’accidentellement les causes de ce besoin, qui sont quelquefois les plus futiles du monde ; telles que la vanité, qui fait rechercher une bague dont le doigt sera gêné ; la gourmandise, qui fait désirer un mets dont l’estomac sera incommodé ; la crainte, qui fait qu’on se pourvoit d’une chose dont on ne se servira jamais.
  28. Si l’on comprend dans le revenu national le montant des contributions, il faut défalquer du revenu des particuliers le montant de ces mêmes contributions. Si l’on y comprend le revenu des salariés de l’état, il faut déduire des contributions reçues par l’état, les salaires des fonctionnaires publics.
  29. Le propriétaire d’une maison qu’il habite, consomme le service annuellement rendu par sa maison. S’il ne l’entretient pas, et si en conséquence elle perd chaque année une partie de sa valeur, il consomme, avec le revenu de ce fonds, une portion du fonds lui-même.
  30. Des exemples sont indispensables pour bien entendre ce principe abstrait. Comment la valeur entière d’une pièce de toile entre-t-elle dans les revenus de la société ? Un cultivateur sème du lin et en fait la récolte. Sur le prix qu’il en tire, il paie le loyer du terrain (revenu du propriétaire.) il paie à ses ouvriers et ouvrières leurs journées (revenu de leur industrie) ; il se paie à lui-même l’intérêt de ses avances (revenu de son capital), et ses profits (revenu de ses talens industriels). Le lin acheté par un tisserand est fabriqué en toile par lui. Cette toile est vendue à son tour ; et son prix, outre qu’il rembourse le lin acheté, et par conséquent toutes les portions de revenus que nous venons de signaler, acquitte, en outre l’intérêt des avances du tisserand (revenu de son capital), et ses propres profits (revenu de ses talens industriels). S’il a envoyé la pièce de toile à une blanchisserie, cette dépense s’ajoute à son prix, et fait partie du revenu des capitaux et de l’industrie du blanchisseur. De toutes manières, la Valeur entière de la pièce de toile a servi à payer des revenus.

    La portion même de la valeur d’un produit, qui rétablit ce qu’il y a d’usé dans les machines et les constructions durables, acquitte des portions de revenus, en payant les services productifs de ceux qui ont fourni les réparations.

    Pour avoir le revenu total d’une nation, il faut évaluer, non-seulement tous ses produits matériels, mais ses produits immatériels. Quoique le conseil d’un médecin n’ait point laissé de traces matérielles, sa valeur a fait partie du revenu du médecin. Et qu’on ne dise point que c’est le revenu de son malade qu’il a consommé ; le revenu du malade est le fruit d’une autre production. Si le malade est négociant, il a échangé Une portion du revenu de son commerce contre un produit de l’industrie du médecin ; et ces deux produits, dont l’un était immatériel, quoique ayant été consommés chacun de leur côté, n’en ont pas moins fait tous les deux partie du revenu de la société.

  31. Ces deux suppositions gratuites n’ont pour but que de faire entendre le raisonnement. Au reste, si les deux suppositions sont inadmissibles prises dans leur généralité, elles se réalisent partiellement dans la baisse que les progrès de l’industrie occasionnent dans la valeur de certains produits, et dans la hausse qu’ils éprouvent dans d’autres cas. Dans le voisinage de certaines mines de bouille, les débris de ce combustible tombent de valeur, au point que, pour en avoir, il ne faut souvent que prendre la peine de les ramasser. Tout le monde, dans ces endroits-là, est assez riche pour en consommer. Dans d’autres endroits, comme sur un navire en mer, la valeur d’un verre d’eau peut excéder les facultés des plus riches passagers, qui, dès-lors, deviennent pauvres par la valeur où l’eau est montée.
  32. Estimation de Colquhoun.
  33. Il n’en est pas de même quand on évalue la fortune d’une famille dans le pays et au temps où l’on vit : une famille qui a 40,000 francs de revenu à Paris, est réellement deux fois aussi riche qu’une famille qui en a vingt dans la même ville, à la même époque, parce que, pour 40,000 francs( tous les ans, elle peut avoir un logement double en étendue ou en beauté, un nombre double de domestiques, recevoir du monde dans la même proportion, etc:
  34. Une nation où les produits ne vont pas à ceux qui produisent, ou n’y vont pas en proportion de la part qu’ils prennent à la production, porte en elle-même un germe de déclin, un découragement pour la classe productive, un encouragement à passer de celle-ci dans celle qui dévore. C’est ce qui tue infailliblement tôt ou tard les gouvernemens qui se nourrissent d’abus. Aucun n’a duré au-delà de quelques siècles ; et ils n’ont duré si long-temps que parce que, dans aucun temps, l’économie de la société n’a été bien entendue. On ne sait point encore quelle durée pourrait avoir une société politique, une nation, si elle était bien ordonnée.
  35. Elle y est trop abondante lorsque l’avilissement de son prix nuit à sa production. ; elle y est trop rare lorsque les besoins de la consommation la font payer par le consommateur, à un prix qui surpasse ses frais de production.
  36. On sent que l’échange, ou la faculté de pouvoir être échangée, est nécessaire pour déterminer la valeur d’une chose. La valeur que le possesseur tout seul attacherait à sa chose, serait arbitraire ; il faut qu’elle soit contradictoirement débattue avec une autre personne ayant un intérêt opposé ; cette autre personne est celle qui a besoin de la chose, et qui est obligée, pour l’avoir, de faire un sacrifice quelconque.