Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/377

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

lettre du 18 juin. Il blâme en termes violents le 20 juin. Il dénonce les « Jacobins » avec encore plus d’acrimonie. Luckner, commandant d’une autre armée, se joint à Lafayette pour blâmer le 20 juin et témoigner de sa fidélité au roi. Après quoi, Lafayette se promène dans Paris, « avec six ou huit officiers de l’armée parisienne qui entourent sa voiture[1]. » On sait aujourd’hui pourquoi il était venu à Paris. C’était pour persuader le roi de se laisser enlever, et de le mettre sous la protection de l’armée. Aujourd’hui, nous en avons la certitude ; mais alors on commençait déjà à se méfier du général. Un rapport fut même présenté à l’Assemblée, le 6 août, demandant sa mise en accusation ; sur quoi la majorité vota pour le disculper. Que devait en penser le peuple ?[2]

  1. Madame Jullien à son fils (Journal d’une bourgeoise, p. 170). Si les lettres de madame Jullien peuvent être incorrectes dans tel petit détail, elles sont précieuses pour cette période parce qu’elles nous disent précisément ce que Paris révolutionnaire se disait ou pensait tel ou tel jour.
  2. Lally-Tolendal, dans une lettre qu’il adressa en 1793 au roi de Prusse pour réclamer la libération de Lafayette, énumérait les services que le fourbe général avait rendus à la Cour. Après que le roi fût ramené à Paris, de Varennes, en juin 1791, les principaux chefs de l’Assemblée constituante se réunirent pour savoir si le procès serait fait au roi et la république établie. Lafayette leur dit alors : « Si vous tuez le roi, je vous préviens que le lendemain la garde nationale et moi nous proclamons le prince royal ». — « Il est à nous, il faut tout oublier », disait madame Élisabeth en juin 1792, à madame de Tonnerre, en parlant de Lafayette ; et au commencement de juillet 1792, Lafayette écrivit au roi qui lui répondit. Dans sa lettre du 8 juillet, il lui proposait d’organiser son évasion. Il viendrait, le 15, avec quinze escadrons et huit pièces d’artillerie à cheval, pour recevoir le roi à Compiègne. Lally-Tolendal, royaliste par religion héréditaire dans sa famille, comme il dit, affirmait ce qui suit, sur sa conscience : « Ses proclamations à l’armée, sa fameuse lettre au corps législatif, son arrivée imprévue à la barre après l’horrible journée du 20 juin ; rien de tout cela ne m’a été étranger, rien n’a