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LA CRUE DE LA SEINE.

Général, de la porte et quai Saint-Bernard, c’est une pleine mer. La place Maubert, la rue de Bièvre, la rue Perdue, la rue Galande, la rue des Rats et la rue du Fouarre, c’est pleine rivière. Toutes les boutiques sont fermées ; de tous les côtés on est réfugié au premier étage, et c’est un concours de bateaux, comme en été, au passage des Quatre-Nations (l’Institut). La place de Grève est remplie d’eau, la rivière y tombe par-dessus le parapet… Dans les rues de Paris où il y a des égouts, l’eau de la rivière y gonfle, se répand dans la rue et il faut y passer dans des bateaux ou sur des planches. La rue de Seine, faubourg Saint-Germain, est remplie d’eau qui entre des deux côtés dans les maisons… On ne passe que sur le Pont-Royal et sur le Pont-Neuf… On a vu dans la place Maubert porter le Bon Dieu dans un bateau… Il y eut quelques maisons détruites et renversée par les eaux, entre autres une, rue Saint-Dominique vis-à-vis le couvent de Belle-Chasse, appartenant à M. le duc de Saint-Simon ; il y en avait une partie vieille et l’autre rebâtie à neuf. La partie vieille a résisté… Il y a des ordres pour visiter les fondemens quand la rivière sera retirée et le dommage sera considérable… »

À part ce que l’on a à dire aujourd’hui du Métropolitain, la description de l’avocat Barbier ne convient-elle point à ce que nous venons d’avoir sous les yeux ?

Les inondations de 1751, de 1764, de 1784, de 1795 furent désastreuses, sans atteindre à la hauteur de celle de 1740.

L’inondation qui commença le 1er décembre (10 frimaire) 1801 eut des péripéties cruelles. Elle a été étudiée d’une façon officielle par Bralle, ingénieur hydraulique en chef du département de la Seine. Ce 10 frimaire, les eaux étaient à 4m, 32 au pont de la Tournelle ; le 14, elles atteignaient 5m, 62 ; le 18, 6m, 22. Des poutres, des meubles, des débris de toutes sortes annonçaient déjà le désastre de bien des habitations. Le 23, les eaux commencèrent à baisser, et le 4 nivôse (25 décembre) elles n’étaient plus qu’à 3m, 35.

Mais le lendemain, elles croissaient brusquement de 80 centimètres ; le 6 et le 7, elles redescendaient ; le 8, elles remontaient encore avec violence, et le 12 (2 janvier 1802) se trouvaient à 7m, 10, la nuit à 7m, 45. Au point du jour, elles commencèrent de baisser. Mais, autre malheur, le froid était grand. « Dix-huit chantiers bordant le port Saint-Bernard, écrit Bralle,